PARIS
Christophe Leribault a pris la tête du Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, en novembre 2012. Ce spécialiste de peintures et de dessins du XVIIIe et du XIXe siècle a fait ses premières armes au Musée Carnavalet, avant de rejoindre le département des arts graphiques du Louvre en 2006, et de prendre la direction du Musée Eugène-Delacroix en 2007. Il commente l’actualité.
Quels ont été vos arguments pour convaincre la Ville de Paris de vous confier le Petit Palais ?
J’ai été conservateur pendant dix-sept ans au Musée Carnavalet, il s’agit donc plutôt d’un retour au bercail. J’aimais le Petit Palais et j’étais prêt à y consacrer de l’énergie et de la passion. C’est un lieu splendide, bien situé, avec des collections originales. Je me trouvais très bien au Cabinet des dessins du Louvre et au Musée Eugène Delacroix : je n’avais pas vocation à en partir. Après la restauration du jardin cet hiver et l’agrandissement du Musée Delacroix qui s’achève, j’aurais même pu profiter d’un havre de paix. Mais la perspective de pouvoir faire mieux connaître le Petit Palais, de réfléchir sur son image et sur la manière de faire évoluer sa fréquentation, était des défis plus exaltants. Non pas que le Petit Palais soit en ruines ou désert, mais je crois qu’il a beaucoup d’atouts pour vivre encore mieux. Si la Ville ne s’était pas engagée comme elle l’a fait sur mon projet, je ne serais pas venu.
Le Petit Palais a du mal à se placer parmi ses concurrents parisiens. Depuis son ouverture, comment expliquez-vous sa chute de fréquentation (-47,5 % de 2010 à 2011, -35 % de 2011 à 2012) ?
Par chance, le baromètre a bien remonté au premier semestre 2013 ! Mais il faut nuancer ces chiffres : le succès de l’exposition « Yves Saint-Laurent » en 2010, qui a duré six mois et qui n’entrait pas dans le programme scientifique du musée, a faussé les statistiques. Idem en 2008, l’exposition de photographies de stars par Patrick Demarchelier a attiré des foules sans lendemain. Nous allons essayer de rebondir en maintenant une programmation « courageuse », à l’image des expositions « De Nittis » et « Forain » qui défendaient des artistes du XIXe siècle. Pour faire face à des maisons qui ont des forces de communication très performantes, les équipes ont été étoffées et dotées de davantage de moyens. Il ne s’agit pas de choisir les sujets en fonction des attentes de fréquentation, mais d’en tenir compte dans le calibrage des projets et trouver les arguments pour mieux les défendre.
Comment définiriez-vous l’image du Petit Palais ?
Elle a quelques raisons de paraître un peu floue. Ce sont les collections municipales de beaux-arts jusqu’en 1914, le relais étant pris ensuite par le Musée d’art moderne de la Ville. Elles sont sans doute moins cohérentes que celles des musées encyclopédiques en région, car elles ont été surtout constituées par des donations – antiquités gréco-romaines, objets d’art de la Renaissance, peintures du XVIIe hollandais, un bel ensemble XVIIIe, les donations des héritiers de Courbet, de Carpeaux… Les acquisitions de la Ville au tournant du siècle sont liées aux artistes qu’elle soutenait, comme Henner ou Besnard. Mais, par exemple, la peinture italienne est quasi absente : c’est l’originalité du Louvre des Parisiens ! L’image du Petit Palais qu’il faut défendre est donc celle d’un musée de collectionneurs, dont le bâtiment-vitrine serait la plus belle œuvre. À défaut de combler les lacunes, nous devons renforcer les points forts par nos acquisitions, en recentrant les expositions sur ces domaines. Longtemps, le Petit Palais a abrité les expositions cofinancées par le ministère des Affaires étrangères, dont le cadre dépassait celui des collections permanentes au risque de brouiller l’image du musée.
Depuis la création de l’établissement public des musées de la Ville de Paris au 1er janvier 2013, la dynamique a-t-elle évolué ? Des expositions comme celle consacrée à Yves Saint-Laurent imposée par la mairie de Paris, verraient-elles encore le jour ?
Que la Ville ait promu une exposition sur un grand couturier qui était un tel artiste n’est pas choquant en soi, et elle n’aurait pas tenu dans les salles du Palais Galliera. Mais il est essentiel sur le long terme de laisser chaque musée développer une programmation cohérente, c’est le sens de cette réforme de structure. Les musées municipaux sont désormais autonomes, mais collectivement sous l’entité Paris Musées, et, bien sûr sous la tutelle d’un Conseil d’administration qui doit veiller à éviter les dérives. Nous bénéficions de subventions de la Ville, c’est la moindre des choses d’en justifier l’usage.
En 2009, le Petit Palais a, pour des raisons de conservation, accueilli l’exposition « William Blake » organisée par le Musée de la vie romantique. Est-ce donc l’une des vocations de ce lieu privilégié par sa taille ?
Le transfert au Petit Palais de « William Blake » a permis à l’exposition d’avoir lieu dans de meilleures conditions et de rencontrer un plus large public. L’établissement public sous-entend une mutualisation, il est donc normal qu’il puisse y avoir de l’entraide.
La programmation est équilibrée entre des expositions-événements comme « Jordaens » en octobre, puis « Paris 1900 » au printemps, et des présentations plus pointues qui demeurent faites pour un grand public. Quelles sont les lignes directrices de votre programmation ?
Si le bâtiment nous conduit à privilégier la fin du XIXe siècle, avec « Paris 1900. La Ville spectacle », « Carl Larsson » ou « Oscar Wilde », on ne va pas s’y cantonner pour autant. « Les bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère » organisée avec la Villa Médicis sera une autre incursion dans le XVIIe siècle. Nous montrerons ensuite les plus beaux tableaux du XVIIIe français des collections américaines, dans une exposition montée avec Pierre Rosenberg et la National Gallery of Art à Washington. Parallèlement, nous présenterons un florilège des tableaux du XVIIIe des églises de Paris, des trésors cachés dont la restauration a déjà commencé pour l’occasion. Cela impose des délais d’organisation, tout est déjà bouclé jusqu’en 2016 ! Pour l’heure, j’espère que « Jordaens, la Gloire d’Anvers » saura convaincre. Nous avons obtenu des prêts exceptionnels, et on a soigné à la fois le volet pédagogique et la scénographie.
L’audit mené par l’Inspection générale de la ville de Paris en 2006 recommandait le développement de partenariats et du mécénat. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Un poste a été créé au niveau de l’établissement public pour la recherche de mécénat. Ce qui est un premier pas. Au sein du musée, nous sommes également très mobilisés sur cet enjeu primordial. Un cercle des amis du Petit Palais, dont la forme juridique est à l’étude, verra le jour d’ici 2014. Le musée n’a jamais eu de société d’amis, ce qui l’a sans doute entretenu dans un certain isolement. L’avantage sera de mieux connaître nos visiteurs, qu’ils deviennent des relais pour la programmation, et de fédérer un noyau de mécènes donateurs français et étrangers.
Une autre recommandation était de développer les actions envers la jeunesse. Or, les chiffres montrent un taux de participation très faible par rapport aux autres institutions parisiennes.
Le musée consacre de très beaux espaces pour ses ateliers éducatifs, avec une série d’activités diversifiées et du personnel spécialisé. L’équipe se déplace également pour des activités hors-les-murs. Comme pour la fréquentation, il faut penser en terme qualitatif et non quantitatif. Le but n’est pas de faire venir des écoles entières en autocar pour les faire errer dans les salles. Le musée doit être un lieu de plaisir où l’on a envie de revenir, les programmes sont vraiment conçus dans ce sens.
L’amplitude horaire n’est pas adaptée au rythme des Parisiens.
Nous en sommes conscients et allons essayer de trouver des solutions pour satisfaire les visiteurs et le personnel.
On ne peut pas dire que la Ville de Paris choie ses musées…
Le Petit Palais est un musée bien entretenu, qui dispose de personnel et de budgets corrects ; sa rénovation, qui a été une énorme opération menée par la Ville, n’a donc pas été vaine. Il manque certes un peu de moyens pour les acquisitions et les restaurations, à nous d’être suffisamment attractif pour trouver ces ressources par nous-mêmes et convaincre de compléter quand il le faudra.
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Christophe Leribault : « Mieux faire connaître le Petit Palais »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°396 du 6 septembre 2013, avec le titre suivant : Christophe Leribault : "Mieux faire connaître le Petit Palais"