Grâce aux libéralités, l’année aura été marquée dans les musées nationaux
par une réelle embellie des acquisitions.
Pour quelques établissements nationaux, 2011 aura été une année exceptionnelle. Ainsi du Musée d’Orsay, où la valorisation des acquisitions a atteint la somme de 43 millions d’euros ! Un record depuis la création de l’établissement en 1986. La manne est liée à un événement : la donation anonyme – mais une salle portera un jour le nom du bienfaiteur –, sous réserve d’usufruit d’une collection de 141 œuvres nabies, dont vingt-quatre peintures et quatre-vingt-douze œuvres graphiques signées Bonnard, et vingt-trois peintures et deux pastels de Vuillard. Réuni par les donateurs pendant plus de trente ans, l’ensemble est valorisé à 36,4 millions d’euros. De quoi faire sensiblement grimper un budget d’acquisition initial annoncé à 2,281 millions d’euros. L’année a par ailleurs été marquée par l’achat du Cercle de la rue royale (1868), tableau classé monument historique, dû au pinceau de James Tissot, pour plus de 3,6 millions d’euros. Qui se demandait à quoi servent les expositions blockbusters (à grand succès) tient là une réponse : une partie des recettes de l’exposition « Monet » aura contribué au financement de ce tableau. À côté, les autres acquisitions pourraient presque sembler fades. Et pourtant ! Femmes à leur toilette, tableau de Valloton (612 000 euros, gré à gré), dessin de La digue de mer à Ostende de Spilliaert (400 000 euros) ou encore Bûcherons de Daumier (don de la société des amis du Musée d’Orsay) : ces œuvres sauraient contenter plus d’un directeur de musée…
Les acquisitions d’Orsay sont-elles l’arbre qui cache la forêt ? Pas forcément. L’autre établissement affichant de belles prises pour l’année 2011 est sans conteste la Bibliothèque nationale de France (BNF), très active notamment en matière de mécénat. En 2011, deux « trésors nationaux » sont ainsi tombés dans son escarcelle : les pléthoriques archives du situationniste Guy Debord et, dans un tout autre registre, Le manuscrit de Sainte-Catherine de Simon Marmion, chef-d’œuvre de l’enluminure du XVe siècle jusque-là resté inédit. D’autres œuvres aussi insignes que le manuscrit de Topaze de Marcel Pagnol ou deux manuscrits de Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne, mais aussi un ensemble de plus de trois cents dessins de Roland Barthes ou deux mille lettres signées Jules Massenet ont pu être acquis. À signaler, côté dons, l’entrée de cent vingt planches originales d’Astérix par Albert Uderzo et un vaste ensemble de gravures de Markus Raetz.
Détrôné en valeur par Orsay, avec 20,9 millions d’euros, le Louvre n’en a pas moins marqué l’année 2011 par des acquisitions de prestige. Outre le très médiatique achat des Trois Grâces de Cranach, rendu possible en partie grâce à une collecte populaire, il faut signaler l’arrivée dans ses collections de plaques gravées de Goya, offertes par la société des amis du Louvre, mais aussi de cette feuille recto verso dessinée à la pierre noire et à la sanguine due au grand Michel Ange (vers 1550-1560), classée trésor national et négociée 600 000 euros. L’année 2011 a aussi été marquée par une politique d’achat destinée à renforcer certains secteurs des collections. Une figurine cycladique protohistorique, la dernière qui était encore en main privée, permettra ainsi au musée de redéfinir le début du parcours de cette section. Deux peintures témoignent de ce même souhait d’étoffer des collections encore lacunaires : ainsi d’une peinture néoclassique de Gavin Hamilton (450 000 euros) ou du superbe Maíno, Les Larmes de Saint-Pierre, venant renforcer avec brio la section de peinture espagnole (830 000 euros). À noter également le substantiel don manuel d’un tableau de Vivarini par Jean-François Costa, patron de l’empire Fragonard de Grasse, récemment décédé.
Des achats soutenus
De son côté, le Musée national d’art moderne a réussi à s’offrir, avec l’aide de la société Yves Rocher et via la Réunion des musées nationaux, la remarquable collection Bouqueret (Christian), collectionneur et marchand de photo, constituée de plus de six mille tirages photographiques datés entre 1920 et 1940. Deux dations ont permis d’enrichir les collections d’un Christo de 1961 et de deux cents photos de Marc Riboud. De quoi faire oublier l’échec de la dation Berri (Claude), début 2011. Soit un total en valeur de plus de 15 millions d’euros dont 13,7 millions par libéralités, mécénat, dation. Au Quai Branly, l’année a été marquée par un achat exceptionnel : un crochet Samban de Papouasie, provenant de la région du fleuve Sepik (1,8 millions d’euros). Une panoplie de Samouraï de la période Edo, estimée à 46 000 euros, a été donnée suite à l’exposition à succès organisée sur le sujet. De son côté, le Musée Guimet peut se prévaloir de 663 000 euros de nouvelles acquisitions, dont 451 000 par libéralités, mécénats, dons, dations. Le Musée Rodin a, quant à lui, réussi à acheter l’un des éléments du décor historique de l’Hôtel Biron qui l’héberge : un dessus-de-porte du grand salon figurant Le Retour de chasse de Diane de François Lemoyne (471 000 euros, en partie financé grâce au fonds du patrimoine).
Pour les plus petits établissements, sur lesquels les yeux des entreprises mécènes peinent à se river, l’année aura tout de même été celle d’une relative embellie avec 2,27 millions d’euros en valeur, dont 380 000 euros à titre gratuit. Le Musée de Cluny a notamment profité d’un tout nouveau dispositif : la loi du 20 juillet 2011, qui autorise les maisons de vente à pratiquer les cessions de gré à gré. L’État a ainsi pu acheter plusieurs pièces en amont de la vente de la prestigieuse collection médiévale Marquet de Vasselot, qui a pulvérisé ses estimations en novembre 2011 : deux pièces ont ainsi été achetées pour le Louvre, ainsi qu’un élément de croix de procession en cuivre doré et émaillé représentant l’aigle de saint Jean à destination du Musée de Cluny.
De son côté, le Musée national de la céramique de Sèvres s’est enrichi de plus de 291 000 euros d’œuvres, dont des achats de pièces historiques coûteuses. Ainsi d’un groupe de nymphes à la coquille en biscuit de Sèvres, préempté chez Sothebys en avril (94 000 euros) ou d’une écuelle couverte avec son plateau (98 000 euros). À noter aussi, le beau mécénat des Guerlain, pour l’achat en vente publique, d’un vase en porcelaine émaillée d’Asger Jorn datant des années 1950. Le château de Fontainebleau connaît un léger mieux, avec 117 600 euros d’acquisitions, dont beaucoup de documents mais aussi une miniature du Roi de Rome. L’acquisition majeure a été rendue possible grâce au mécénat de la société Redex : une peinture sur verre attribuée à Pierre-Louis Dagoty (1771-1840), Allégorie de l’union de la France et de l’Autriche en présence de l’Europe, vers 1810, pour près de 40 000 euros.
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Une belle moisson
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Légende Photo :
Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange, Deux études d'un homme nu pris dans un mouvement ascendant, vers 1555-1560, pierre noire et sanguine, 14,5 x 5 cm, acquis par le musée du Louvre, Paris. © Photo : Harry Bréjat/Musée du Louvre.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Une belle moisson