PUBLI-EDITO

Histoire : modernités et nouvelles pratiques

Par Olympe Lemut · lejournaldesarts.fr

Le 13 mai 2022 - 781 mots

PARIS

Au XXe siècle, les arts visuels ont connu plusieurs évolutions radicales, jusqu’à constituer une scène artistique foisonnante et globalisée dont Menart Fair donne un aperçu. 

Abdelkader Laaraj, Sans Titre, peinture cellulosique sur bois, 90 x 80 cm. Courtesy L’école de Casablanca et l'artiste.
Abdelkader Laaraj, Sans Titre, peinture cellulosique sur bois, 90 x 80 cm
Courtesy L’école de Casablanca / Abdelkader Laaraj

L'arrivée des beaux-arts et de la photographie dans les pays arabes au XIXe siècle a participé au renouvellement des pratiques traditionnelles rattachées à l’artisanat, avant que les avant-gardes européennes n’influencent à leur tour les artistes arabes qui, dans les années 1920, ont pris conscience de la nécessité d’inventer leur propre modernité. Car, dans les premières décennies de l’adoption de la peinture à l’huile, les artistes se cantonnaient à un style figé, comme le rappelle l’historien de l’art Mario Choueiry : « À partir des années 1910 et 1920, les peintres se détachent des contraintes sociales liées à l’art officiel, notamment à l’obligation de faire le portrait des notables. » S’ensuit la création de collectifs d’artistes inspirés par le cubisme et le surréalisme, à l’instar du groupe égyptien Art et Liberté en 1938, mené par l’écrivain Georges Henein. L’affranchissement des règles que proposent les deux mouvements artistiques français séduit les artistes arabes jusqu’en Irak, où le peintre Jawad Saleem crée avec des amis, en 1951, le groupe de Bagdad, dont plusieurs membres feront des séjours en France. 

L’abstraction et l’archéologie

C’est à cette époque qu’émergent les deux grandes tendances qui vont structurer l’art moderne arabe et iranien : le rapport à l’abstraction et les liens avec le patrimoine archéologique. En Irak, Jawad Saleem invite les artistes à regarder les céramiques sumériennes et assyriennes exposées au Musée national de Bagdad, tandis que le groupe Aouchem renouvelle en Algérie ses pratiques en s’inspirant des gravures rupestres du Tassili n’Ajjer. Comme le souligne le galeriste, collectionneur et mécène Claude Lemand : « Ces artistes ont affirmé qu’il existait un patrimoine algérien bien avant la présence ottomane et arabe. » Ce groupe organisait aussi des ateliers et des expositions avec les populations locales, une attitude que l’on retrouve au Maroc dans les activités de l’École de Casablanca. Dans les années 1960, ce groupe de peintres a puisé dans les arts traditionnels du Maroc pour proposer une nouvelle voie artistique : Mohamed Melehi et Farid Belkahia ont ainsi produit des toiles, des céramiques et des objets décoratifs aux motifs inspirés des tapis berbères ou des bijoux traditionnels. Certains de ces artistes se sont aussi engagés politiquement, que ce soit dans les partis communistes arabes ou dans les mouvements indépendantistes (Algérie).

Une chronologie propre

En parallèle, ces artistes se confrontent à la question de l’abstraction, étroitement liée à la calligraphie islamique : tiraillés entre la tradition et les avant-gardes européennes puis américaines, les peintres cherchent à faire naître une nouvelle abstraction proprement arabe. C’est ainsi qu’apparaît, dans les années 1960, le mouvement lettriste arabe (Hurufiyya) qui combine les lettres stylisées de l’alphabet arabe à une forme d’abstraction lyrique : l’œuvre de Mohammed Khadda (Algérie) illustre bien cette recherche permanente d’équilibre. Comme le souligne Mario Choueiry, « pour les artistes du monde arabe, l’évolution vers l’abstraction se fait différemment de l’Occident, et la chronologie des courants artistiques est plus perturbée ». En d’autres termes, les mouvements artistiques du monde arabe ont leur propre chronologie.

La redécouverte d’artistes historiques

À partir des années 1990, le monde arabe subit de plein fouet les changements politiques de la guerre civile libanaise et de la guerre du Golfe, et les artistes s’exilent en masse en Europe et aux États-Unis. Leurs pratiques évoluent vers la vidéo et les installations, une tendance qui s’accentue dans les années 2000. Les artistes qui émergent à cette période ont des parcours « mondialisés », à l’image de Kader Attia (France, Algérie) installé à Berlin, ou de la Palestinienne Mona Hatoum, partie travailler en Grande-Bretagne. 

De plus en plus connectés aux réseaux artistiques internationaux, les artistes du MENA ont aujourd’hui diversifié leurs pratiques, même si l’on observe un retour de la peinture et du dessin comme le remarque Claude Lemand. Certaines différences subsistent entre les artistes du Maghreb et ceux du Moyen-Orient, notamment dans le rapport au passé. Laure d’Hauteville souligne ainsi « les influences culturelles euro-méditerranéennes, arabes et africaines », qui caractérisent les œuvres des jeunes artistes du Maghreb, ainsi que « l’engagement des sociétés civiles ». Au Moyen-Orient, c’est l’histoire récente qui influence le travail des artistes, en particulier au Liban et en Syrie. En Iran et dans les pays du Golfe, les questions sociales et environnementales influencent fortement les artistes, même si ceux-ci voient les espaces de liberté se rétrécir. 

Enfin, on assiste depuis une dizaine d’années à la redécouverte d’artistes des années 1960 et 1970, dont l’œuvre exposée aux États-Unis restait méconnue en Europe. Huguette Caland (Liban, États-Unis), Etel Adnan (Liban, France, États-Unis) et Hassan Sharif (Émirats arabes unis) connaissent aujourd’hui un succès posthume mérité qui inscrit leur œuvre dans l’histoire mondiale de l’art.

Publi-information réalisée en partenariat avec Menart Fair 

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