Espagne

Guggenheim : un nom, des musées

Par Adrien Goetz · L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 415 mots

Le Guggenheim Bilbao est-il en train d’éclipser ses aînés ? Inauguré en octobre 1997, le bâtiment a imposé au monde l’image du plus photogénique des musées, un vaisseau spatial qui fonctionne comme une immense sculpture, mais dont les espaces intérieurs ne semblent pas conçus en fonction des collections, critique majeure formulée contre l’endroit depuis son ouverture. Malgré une « grande galerie », et 11 000 m2 d’espaces d’exposition, l’architecture de Frank O. Gehry est accusée de diminuer la force des œuvres montrées, de pêcher par orgueil. A New York, le chef-d’œuvre de Frank Lloyd Wright édifié entre 1956 et 1959, avec sa mythique rampe intérieure en colimaçon, servait à merveille l’accrochage : la visite, que certains font en montant et d’autres en descendant, multiplie les points de vues originaux sur les œuvres, l’architecture sert les collections tout en s’imposant comme une œuvre à part entière. Le geste architectural traduit le propos tenu par le musée, devenu le symbole de l’architecture du XXe siècle. Il reste que les cimaises du Guggenheim New York et du Guggenheim SoHo ne permettent de présenter qu’une part minime de la collection. D’où l’idée de ces institutions hors les murs, à l’étranger, avec un choix d’œuvres appartenant à la fondation américaine et des expositions tombées du ciel : Bilbao profite des retombées touristiques, mais le musée demeure parfaitement autonome, un vrai satellite américain qui ne répond qu’aux ordres de New York. Reproche véniel aux yeux d’un public qui plébiscite le lieu. La fondation Solomon R. Guggenheim, constituée en 1937 gère aujourd’hui aussi la Peggy Guggenheim Collection, installée à Venise dans le plus onirique des palais du Grand Canal, le Palazzo Venier dei Leoni, immense construction inachevée – les espaces intérieurs sont paradoxalement minuscules – ouvrant sur un jardinet où la grande Peggy repose entourée de ses animaux de compagnie. Verra-t-on un jour s’installer, du côté de Marne-la-Vallée par exemple, un Guggenheim-Paris ? Le monde des musées de France y semble farouchement opposé : pas de colonie américaine, fonctionnant avec un budget américain, avec un choix d’œuvres décidé aux Etats-Unis par des curators américains, sur notre sol national ! En revanche, quel sera le beau Palais de Saint-Pétersbourg qui sera susceptible d’accueillir un jour le Guggenheim russe, symbole du nouvel ordre mondial ? Les débats sont ouverts, les tableaux circulent, ce qui est déjà un premier engagement : il serait si tentant d’installer sur les rives de la Neva, dans la New York des tsars, le pendant du musée du Grand Canal...

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Guggenheim : un nom, des musées

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