L’ancienne directrice de la Dalloul Art Foundation (DAF), à Beyrouth, signe le commissariat de l’exposition sur l’École de Casablanca. L’experte décrypte le développement du marché du MENA.
En quoi le marché du MENA est-il spécifique ?
Fadia Antar : C’est un marché gigogne avec différents marchés indépendants, spécifiques à chaque pays, mais qui interagissent désormais entre eux. Du Maroc à l’Iran, chaque marché de l’art s’est constitué avec ses propres marchands et ses collectionneurs. Certains sont anciens, comme en Égypte où il remonte au début du XXe siècle. Un nouveau monde de l’art sans frontières a émergé ainsi qu’un intérêt panarabe pour l’art des pays du MENA quand se sont créées, aux Émirats arabes unis, des galeries puis des institutions locales et internationales, à partir des années 2005-2007. Mais c’est la création de la foire de Dubaï et Abu Dhabi en 2007 qui a fait faire un saut en avant à ce marché de l’art du MENA. Une jeune génération de collectionneurs est apparue, intéressée d’abord par l’art moderne de la région, puis par l’art contemporain.
Quel impact cela a-t-il sur la valeur des œuvres ?
F.A. : Un accroissement important auquel l’ouverture des bureaux de Christie’s et Sotheby’s à Dubaï a participé. La crise économique et la pandémie ont régulé les cotes, sans les faire baisser, la demande des nouvelles institutions du MENA comme celle des nouveaux collectionneurs de ces régions demeurant importante. Toutefois, les prix des œuvres des artistes modernes restent bas alors qu’ils sont maintenant collectionnés par des musées dans le monde entier. Pour que cela change, l’ouverture vers l’international doit être plus importante. Menart Fair permet cette ouverture.
Menart Fair est-elle un acteur du développement du marché ?
F.A. : Complètement. La première strate s’est formée avec la création d’écoles d’art, de galeries et l’émergence d’une première génération de marchands et de collectionneurs. La deuxième strate a été induite par le développement de Dubaï, du Qatar et de l’Arabie saoudite, grands acheteurs d’art du MENA. La troisième strate, qui se forme désormais, est portée par l’enjeu, pour les artistes et les galeristes de l’art du Moyen-Orient et du Maghreb, d’avoir une meilleure visibilité à l’international. Des galeries du MENA, certes encore peu nombreuses, commencent à participer à des foires internationales : certaines louent aussi des espaces, par exemple à Londres, pour exposer leurs artistes, tandis que des galeries internationales représentent aujourd’hui des artistes du MENA. Menart Fair, à Paris puis en janvier 2023 à Bruxelles, consolident cette dynamique. Le marché du MENA en a vraiment besoin.