Yona Friedman, archi mobile

Pas question dès lors de rendre compte d’une démarche aussi libre et ouverte que la sienne sous la forme d’une sage rétrospective. Sous l’impulsion de Sylvie Boulanger, directrice du CNEAI, le fonds d’œuvres et de maquettes de l’architecte se dissémine donc sous un format itinérant dans la région Hauts-de-France. Avant la fermeture du lieu pour rénovation, il se pose au Quadrilatère. Dans le beau bâtiment conçu en 1972 par André Hermant, l’œuvre et la pensée de Yona Friedman se déploient sous forme de maquettes, de films, d’écrits, de dessins, de structures et de « meubles plus » remarquablement servis par une scénographie inventive. Celle-ci fait la part belle aux cartons et aux cerceaux, aux décors muraux éphémères et aux « tapis urbains » dont l’architecte invitait les habitants à couvrir les villes, mais aussi aux pictogrammes, si centraux dans sa pratique. Elle condense d’une façon très « friedmanienne » cinquante ans de recherches et de créations et donne un tour très sensible à une pensée nouée autour de la survie, de l’autonomie et de l’implication des habitants. Au sous-sol, d’ailleurs, une structure en cerceaux rouges abrite une version à petite échelle du « musée sans bâtiment » et invite le public à y exposer ses propres créations. « L’architecture de Yona Friedman est une architecture facile, que chacun peut s’approprier », résume Lucy Hofbauer, directrice du Quadrilatère. « Elle se demande comment faire avec ce qu’on a. » C’est aussi une approche visionnaire de l’architecture, pensée sur le modèle du réseau. D’où l’intérêt de la mettre en dialogue, au sous-sol, avec une pièce de Minimaforms. En une installation et un film, le collectif anglais souligne ainsi ce que Yona Friedman doit aux sciences et à la cybernétique, et dit en creux son immense influence sur plusieurs générations d’architectes.