Maquettes d’édifices gothiques en acier ciselé, vitraux païens à base de fellations passées aux rayons X, porcs empaillés et tatoués, Wim Delvoye promène depuis plus de vingt ans son vocabulaire iconolâtre, capable de nouer sans mollir scatologie et culture savante, sacré et profane, local et universel, organique et décoratif.
Une rhétorique agressive de la métaphore et du déplacement que l’artiste flamand affûte en pessimiste aussi affable qu’éclairé. « L’art n’est par définition pas bon moralement, plaide-t-il. Je n’ai jamais cru qu’il fallait justifier par l’art de sa bonté de cœur ou de son intelligence. »
Message reçu quand Delvoye « délocalise » au début des années 2000 une ferme d’élevage en Chine. C’est là que, devant les caméras, est bichonné un bataillon de porcelets. Tous tatoués d’archétypes musclés façon Hell’s Angels, de logos, de blasons ou autres motifs empruntés à la culture de masse. Et comme dans le cochon, tout est bon, les petites bêtes grandissent, et avec elles l’œuvre destinée à réjouir le collectionneur, version frétillante, taxidermisée et tout cuir. Ou l’implacable métaphore du capitalisme.
À Nice, en plus d’exemplaires porcins, Delvoye adjoint quelques autres de ses opérations favorites de transfert et de déplacement des conventions du goût : bulldozer en acier surstylisé affichant ses ambitions décoratives jusqu’à la démesure ou maquettes de chapelles profanes en acier dentelé, découpé au laser. Au programme : surcharge ornementale dans le plus pur excès flamand, n’énonçant plus qu’arbitraire et fascination, mimant la virtuosité artisanale et le ravissement ordinaire que l’artiste suscite.
Va pour la séduction, que l’artiste manipule en toute lucidité. Pour le réenchantement, il faudra repasser : Delvoye n’est pas d’humeur. Peut-être est-ce dans la sélection de dessins qu’expose le musée niçois qu’il faudra le chercher. En dessinateur compulsif, c’est ici que l’artiste flamand loge son autre laboratoire. Encore que. En 2006, il exposait « Early Works » au MAMCO à Genève, ensemble de dessins de Delvoye réalisés de l’âge de 3 à 6 ans. Ou prétendument réalisés par Delvoye. Aucune importance. Pas plus que la qualité des dessins. Ils y étaient validés a posteriori, au nom de son art présent. Un geste de garnement, par lequel, une fois encore, il déplaçait le statut des objets, présentés « à une considération que leur apparence ne suggère pas ». Du Delvoye pur jus.
« Wim Delvoye, dessins et maquettes », MAMAC, promenade des Arts, Nice (06), www.mamac-nice.org, du 13 février au 23 mai 2010.
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Wim Delvoye
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Wim Delvoye