Strasbourg (67) - Musée d’art moderne

Vues d’ailleurs

Jusqu’au 12 février 2012

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 20 décembre 2011 - 348 mots

Il ne fallait pas moins de trois parcours, un demi-millier d’œuvres, quelque trois cents objets, livres et manuscrits pour tenter d’écrire cette histoire-là, celle qui tracerait une ligne irrationnelle dans les plis de l’ère moderne occidentale.

À Strasbourg, fantômes, fées et vampires et tables tournantes se chargent d’incarner une exposition broussailleuse, bordée d’un côté par les vertus rationnelles de l’Aufklärung, et, de l’autre, par le retour à l’ordre de l’après-guerre. De Fuseli à Ernst. De Blake à Breuner. Pas facile alors de débrouiller qui de l’adhésion philosophique et qui du prétexte à l’imagination créatrice.

Une chose pourtant semble persister : à chaque vigoureux assaut des forces du progrès et de la raison, répond le goût de l’inexplicable et du vacillement des consciences. À commencer par les ténèbres qui ouvrent l’exposition, dans les pas des romantiques. Au moment où cohabitent curieusement Voltaire et Swedenborg. Celui qui s’en remet à la raison et celui qui parle aux anges. Fuseli (1741-1825), lui, a choisi son camp, qui fait de l’espiègle « Puck » du Songe d’une nuit d’été un farfadet démoniaque. Quelques forêts hantées et sorcières méchamment comploteuses plus loin, c’est au tour du XIXe siècle de déraisonner. Hugo lui-même fait tourner les tables, converse avec les morts et se laisse aller dans les années 1850 à des rêveries cosmiques, à l’image de Planète, soleil jeté dans les ténèbres en un sublime lavis au bord de la dissolution. Et alors que la fin de siècle se rebiffe contre le triomphe du naturalisme et se pique de parapsychologie, de réunions occultes, de gourous en vogue, et que le combat se fait plus volontaire dans le camp symboliste à grand recours de mythes, c’est le syncrétisme théosophique qui s’invite dans l’éclosion de l’abstraction.

Reste à la séquence surréaliste de fermer la marche, moins occulte que rêveuse. Plus alchimiste que spiritualiste. À l’image du Grand Transparent (1947) d’Hérold (1910-1987), bronze androïde, sans nom, sans genre, à facettes taillées comme le cristal.

Voir « L’Europe des esprits ou la Fascination de l’occulte, 1750-1950 »

Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, 1, place Jean-Arp, Strasbourg (67),www.musees.strasbourg.eu

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°642 du 1 janvier 2012, avec le titre suivant : Vues d’ailleurs

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