Henry de Groux (1866-1930) est un peintre graveur pratiquement inconnu aujourd’hui. Comme tant d’autres, la fortune critique a oublié cet artiste précoce qui intègre le Groupe des XX à Bruxelles et connaît la gloire à 22 ans avec son monumental Christ aux outrages.
Il fréquente de nombreux artistes et écrivains, mais son caractère exalté et ombrageux le tient en marge des courants de son temps. Son œuvre s’élabore parfois même à contre-courant de la modernité. Elle est traversée par un symbolisme noir teinté d’expressionnisme, à l’instar d’un Félicien Rops ou d’un James Ensor. La Première Guerre mondiale va exacerber son imaginaire ténébreux et provoquer une radicalisation de ses compositions et de sa technique picturale elle-même. Durant ces années, de Groux produit des centaines de dessins et des séries d’eaux-fortes dans lesquels il s’attache à restituer les scènes et les paysages apocalyptiques qu’il observe de l’arrière du front. Il devient une sorte de reporter de guerre. Il la peint comme Robert Capa photographie la guerre d’Espagne. Du reste, parmi la centaine de dessins et gravures inédits que le Musée Fenaille présente pour la première fois au public, l’une d’entre elles fait étrangement écho à la célèbre photo de Capa représentant un milicien fauché par une balle. L’exposition reprend les divers champs thématiques que couvre l’œuvre de de Groux publiée dans Le Visage de la Victoire. Dans ces gravures hantées par les désastres d’une guerre absurde, les visages sont réduits à des masques rappelant les marionnettes du « Théâtre d’androïdes » de Maeterlinck. Certaines séries révèlent, par l’utilisation d’un noir profond, le caractère apocalyptique de la situation, tels ces Réfugiés présentés en une frise compacte qui forme une masse frontale d’une terrible beauté ou ces Soldats masqués (1916), le dos courbé, semblant subir leur destin tragique. Quand la couleur s’exprime, les Prisonniers fossoyeurs exécutent leur tâche sous une lumière sépulcrale, tandis que les Lanceurs de grenades avancent sous les feux rougeoyants de l’enfer. Tous ces paysages et ces visages chargés d’une puissante valeur émotionnelle saisissent l’attention du spectateur tant ils forment un singulier « Front de l’étrange ».
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Voyage au bout de l’enfer
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Abonnez-vous dès 1 €Musée Fenaille, 14, place Eugène Raynaldy, Rodez (12), musee-fenaille.rodezagglo.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°684 du 1 novembre 2015, avec le titre suivant : Voyage au bout de l’enfer