Au Musée d’Orsay, une déambulation en réalité virtuelle transporte le visiteur au temps de la première exposition impressionniste.
Pour célébrer le cent-cinquantième anniversaire de l’impressionnisme, le Musée d’Orsay, revient sur un moment clé de ce mouvement : l’exposition inaugurée le 15 avril 1874 au 35, boulevard des Capucines, dans l’ancien atelier du photographe Nadar. Pour la première fois, Monet, Cézanne, Pissarro, Degas, Morisot et tous les tenants d’une peinture en phase avec la modernité s’y réunissent pour congédier le dédain dans lequel les tient le jury du Salon. Mais comment rendre compte au plus près d’un événement dont n’existe aucune image, seulement quelques témoignages écrits ? En prolongement de la visite (voir page 90), le musée a opté pour un format en plein essor : la déambulation immersive. Fruit d’un partenariat avec Excurio, poids lourd du genre, et Gedeon Expériences, « Un soir avec les impressionnistes » propose une reconstitution en réalité virtuelle de l’exposition de 1874. Une manière de s’ouvrir un peu plus aux nouvelles technologies, après « La Palette de Van Gogh », en 2023, et ainsi d’engranger plus de recettes : le billet coûte 32 euros. Rencontrer les impressionnistes suppose d’enfiler un casque au seuil d’un espace de 550 m2, à partager avec d’autres visiteurs. Une fois les règles de visite énoncées, nous voici propulsés au pied de l’opéra Garnier flambant neuf en compagnie de Rose, jeune modèle aspirant à devenir romancière. La jeune femme sera notre guide durant toute la session, d’une durée d’environ 45 minutes. Elle nous invite à la suivre sur les grands boulevards jusqu’à l’atelier de Nadar, puis à gagner le premier étage du vaste édifice flanqué d’un néon.
L’espace d’exposition est tendu de rouge et alterne portraits et paysages. Nous le visitons en compagnie de Degas, Monet, Pissarro, Cézanne ou Morisot, puis du marchand d’art Durand-Ruel. Leur ambition de peindre au plus près de la réalité, leurs frustrations et leurs espoirs nous sont exposés de leur propre bouche, au cours de conversations dont nous sommes les témoins muets. Pour illustrer leurs dires, l’expédition ménage aussi quelques échappées hors de l’exposition. Elle nous projette bien sûr au cœur du Salon, dont les pièces exposées, l’accrochage et le mode de sélection sont un parfait contrepoint. Elle amène aussi à découvrir Renoir et Monet peignant sur le motif à l’île de la Grenouillère (Yvelines), puis ce dernier au Havre en pleine exécution d’Impression, soleil levant. Conçue sous la direction de Sylvie Patry et Anne Robbins, commissaires de « Paris 1874. Inventer l’impressionnisme », cette plongée dans les prémices du mouvement est robuste et instructive. Elle reste, cela dit, tributaire des codes esthétiques du jeu vidéo. Pourtant, c’est quand l’image s’en écarte qu’elle est la plus saisissante. La brève séquence du port du Havre où l’on découvre Monet devant un lever de soleil est éblouissante. Parce qu’elle donne à voir la façon dont le peintre représente la scène, elle ouvre des pistes fécondes à la réalité visuelle, qu’elle invite à s’affranchir du réalisme pour mieux épouser son sujet.
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Vivre en avril 1874
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°775 du 1 mai 2024, avec le titre suivant : Vivre en avril 1874