Quand on rentre dans l’exposition, on ne comprend pas de quoi il s’agit. Une ribambelle de très vieilles chaussures toutes racornies sont alignées par terre.
On s’aperçoit vite qu’elles sont toutes orphelines, jamais par paire. Et il y a dans la salle plein de boîtes remplies de choses bizarres totalement hétéroclites, avec un seul point commun : tout à l’air vieux comme pas possible ! Loïs Weinberger (né en 1947 à Stams, Autriche) a collecté des vestiges de plusieurs siècles d’occupation de la ferme de sa famille. Les objets les plus humbles découverts dans les greniers ou extraits de sous les planchers où ils ont pu se conserver bien au sec apparaissent comme des témoignages muets des vies paysannes écoulées durant des siècles entre peurs et superstitions dans cette ferme longtemps dépendante du monastère de Stams. Seule une chaussure sur deux de chaque mort était conservée, par crainte que le disparu puisse revenir hanter la ferme s’il retrouvait ses deux chaussures. De nombreux ossements de tailles variées, des pattes de chiens et des momies de chats apparaissent comme des reliques difficilement déchiffrables. Weinberger explique qu’il a trouvé beaucoup d’os car les paysans avaient interdiction de tuer des animaux pour se nourrir sans autorisation des moines. Les os des animaux abattus clandestinement devaient donc être cachés sous les planchers pour échapper à la vigilance des religieux. Cette plongée dans le quotidien fabuleusement ordinaire de paysans pauvres autrichiens à travers les âges fait écho à une œuvre de 1986 particulièrement « secouante » de Jean Tinguely (1925-1991), Mengele-Danse macabre, visible dans la salle attenante.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Vestiges archéo-poétiques de Weinberger
