Une renaissance alsacienne

Mais cet âge d’or a fait de l’ombre à d’autres périodes, à commencer par la Renaissance. Pourtant, la cité alsacienne était alors un des centres les plus inventifs du monde germanique. Son artiste star, Tobias Stimmer (1539-1584), a même longtemps été perçu comme un maître de la scène tudesque et comme l’égal de Dürer et de Holbein. Hélas, nombre de ses œuvres ont disparu et il n’est plus connu aujourd’hui du grand public que par des statues un peu grossières réalisées d’après ses dessins, qui ne rendent vraiment pas grâce à son immense talent graphique. Les spécialistes connaissent ses beaux dessins ainsi que les innombrables gravures qu’il a produites pour illustrer toutes sortes d’ouvrages, allant du livre religieux au manuel d’agriculture et même de broderie. La redécouverte des grisailles de Stimmer roulées dans les combles des musées de Strasbourg depuis des lustres a braqué l’attention sur cet artiste et fait germer l’idée de lui consacrer une ambitieuse exposition et plus largement de célébrer cette période méconnue. Ce projet a logiquement pris ses quartiers dans le bâtiment de l’Œuvre, premier monument civil de Strasbourg édifié selon les préceptes esthétiques de la Renaissance. La première révélation est ainsi l’architecture et les exceptionnels décors sculptés conservés in situ, sublimés par la scénographie inspirée d’Alexandre Früh. Les pépites du musée ponctuent ainsi un parcours riche en surprises et en découvertes. Ce qui frappe d’emblée, c’est l’étonnant éclectisme de ce creuset dynamique où les différents arts tentent de se reformuler au lendemain de la Réforme. Une sélection pertinente d’objets d’art, de vitraux, de sculptures, de peintures, et évidemment de livres illustrés, production phare du fief de Gutenberg, dresse un panorama séduisant de cette production enfin sortie de l’ombre.