REIMS
Les expositions diplomatiques montées dans le cadre d’années croisées se révèlent rarement passionnantes, ni particulièrement solides sur le plan scientifique.
Le Centre des monuments nationaux dément cette réputation avec une manifestation pertinente, en ouvrant les portes du palais du Tau, ancienne résidence archiépiscopale et lieu de séjour des rois de France lors de leur sacre à Reims, à Marie de Roumanie. Il y a un siècle, le couronnement de la reine a constitué un événement retentissant : une cathédrale fut bâtie pour l’occasion, et des regalia furent réalisés spécifiquement pour la cérémonie dans les meilleurs ateliers. Ces précieux objets trouvent tout naturellement leur place dans les vitrines du palais face aux regalia et accessoires utilisés lors des sacres des rois de France. La confrontation de ces objets génère de beaux dialogues et une occasion rare de pouvoir comparer les pratiques entre deux pays aux traditions si différentes. La splendide couronne de style byzantin, dessinée sur les conseils de la reine, tranche ainsi drastiquement avec les reliquaires et regalia d’inspiration médiévale de rois capétiens. Outre ces pièces rassemblées dans le trésor, l’exposition dévoile d’autres créations encore plus révélatrices du goût de Marie de Roumanie. Et pour cause, puisque le reste du parcours met en lumière les œuvres réalisées par cette talentueuse souveraine. On doit en effet à cette reine férue d’Art nouveau de belles pièces de mobilier, des objets d’art et même un impressionnant livre enluminé de 24 kilos ! Ce manuscrit a d’ailleurs remporté deux médailles d’or lors d’expositions internationales. Car la reine était tout sauf une dilettante, elle a même été membre de l’Académie des beaux-arts de Paris, et le décor qu’elle a imaginé pour le château de Pelisor à Sinaia constitue tout simplement le plus important ensemble Art nouveau de Roumanie. Un bel hommage pour une personnalité méconnue en France, à la trajectoire aussi insolite qu’attachante.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : Une reine de Roumanie à son aise chez les rois de France