Une première exposition française pour Lyonel Feininger

Mais en France, rien ou presque. Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris possède dix-huit de ses œuvres. Pis, le Centre Pompidou a laissé filer Le Port de Swinemünde en 2011, aujourd’hui dans une collection particulière américaine. Lyonel Feininger est un artiste qui plut et plaît encore aux collectionneurs. Pour cette première exposition en France, le Musée du Havre présente donc les œuvres réunies par l’un d’eux qui souhaite rester anonyme.

Il s’agit d’un choix, du « regard de collectionneur » comme le précise le sous-titre. Le tout début de sa carrière, en tant que caricaturiste, est absent mais se lit dans l’étirement étrange de ses personnages, et l’œuvre qu’il poursuit de retour en Amérique à plus de soixante ans est évoquée par deux toiles. L’exposition se concentre sur sa production de bois gravés, quasi exclusivement réalisés pendant sa période passée au Bauhaus.

Il rejoint l’école de Walter Gropius dès sa création en 1919 et crée la couverture du manifeste : une cathédrale symbolisant la fusion des arts voulus par Gropius et une relation professeurs-élèves proche du compagnonnage médiéval. Les contrastes noir et blanc sont appuyés par des faisceaux à l’arrière du bâtiment, les étoiles scintillent de rayons en forme de prisme. Le bois gravé permet à Feininger de radicaliser son travail, après une première découverte du cubisme en 1911.
Il reprend inlassablement, à des années d’écart, les motifs de ses œuvres, des architectures et des paysages. À la limite de l’abstraction dans L’Église de Mellingen (1919) où le village est une somme de cubes et de prismes. Une œuvre radicale et poétique à découvrir.