Le domaine du Muy de Bernar Venet a le charme et les inconvénients d’une résidence musée.
LE MUY - La Fondation Venet est un objet unique qui pourrait bien le rester tant son modèle est précaire. Ce n’est pas seulement un lieu où l’on peut admirer des œuvres de l’artiste et de ses amis, c’est d’abord la résidence varoise de Bernar et sa femme Diane. Ils ont acquis en 1989 cette vaste propriété de 4 hectares traversée par la rivière Nartuby et n’ont eu de cesse de l’aménager avant de décider de l’ouvrir au public l’an dernier de manière parcimonieuse (lire le JdA du 5 septembre 2014). Et contrairement à ces châtelains désargentés qui occupent une toute petite partie réservée de leur château ouvert à la visite par nécessité économique, les Venet investissent tout le domaine du moulin des Serres. En hiver, le couple réside dans le moulin et en été il s’installe dans l’ancienne usine de fabrication de matériel ferroviaire, agrémentée d’une piscine qui n’est pas que décorative. L’artiste aisément identifiable par sa haute stature et son allure volontaire aime raconter, mitigé, cette journée portes ouvertes où il a dû se cacher pendant des heures dans sa chambre d’été car il avait été repéré par des visiteurs qui se sont passé le mot toute la journée.
Verdoyant et sauvage (il a été ravagé par une crue de la rivière en 2010), le parc-jardin est un bel écrin pour les fameuses sculptures en acier Corten rouillé de Bernar Venet. Et des sculptures, il y en a partout : lignes obliques penchées, arcs penchés, « Gribs »... On trouve même une version « habitable », si l’on peut dire, sous forme d’un immense et long parallélépipède évidé, d’un blanc immaculé à l’intérieur, qui fait office de pont sur la rivière. À une extrémité du jardin, surgit un édifice inattendu, c’est la « chapelle » Frank Stella. Le bâtiment de forme hexagonale, dessiné par l’artiste américain lui-même, accueille dans ses murs intérieurs six grands reliefs composites de Stella.
Une collection de trésors
Car la fondation n’est pas uniquement consacrée aux œuvres de Venet. Même si complété par ses travaux historiques présentés dans l’usine, l’ensemble constitue un conservatoire exceptionnel de son travail, le domaine abrite aussi une partie de sa collection. Les Nouveaux Réalistes bien sûr, mais de nombreux minimalistes américains ornent l’intérieur du moulin. Les Venet dorment sur un lit dessiné par Donald Judd en ayant sous les yeux une immense peinture de Robert Indiana et une sculpture de Tinguely. Ils dînent sur une table dont le motif du plateau de Sol LeWitt fait écho à un autre dessin mural de l’artiste. Et le salon est littéralement envahi de pièces majeures à faire pâlir d’envie les plus grands musées. Bernar Venet vit à New York depuis un demi-siècle et ses amitiés artistiques lui ont permis de bâtir une exceptionnelle collection. Pour compenser ce tropisme américain, l’exposition temporaire qui vient d’ouvrir dans la « nouvelle galerie » présente trois grandes installations de Tinguely dont deux ont été prêtées par le musée bâlois.
Au Muy, il n’y a rien à acheter ; pas de boutique, pas de salon de thé, mêmes les entrées (sur réservation) sont gratuites. L’absence de ressources propres inquiète l’artiste soucieux de la pérennité de la Fondation, d’autant qu’il ne compte pas s’arrêter là. En 2016, il va ouvrir un nouveau parc avec des sculptures de Carl Andre, Larry Bell et James Turrell.
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Une oeuvre d’art totale
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Abonnez-vous dès 1 €Fondation Venet, 365 chemin du Moulin des Serres, 83490 Le Muy, visite le mercredi et jeudi sur réservation (www.venetfoundation.org)
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°440 du 4 septembre 2015, avec le titre suivant : Une oeuvre d’art totale