PARIS : ÉCLECTISME ET IDÉES FIXES
Depuis son exposition rétrospective au Jeu de Paume en 1991, qui marquait son retour sur scène, Martial Raysse n’avait pas exposé dans une galerie. Parcimonieux, engagé dans une recherche controversée, l’ex-wonder boy du Nouveau réalisme a toujours entretenu des rapports distanciés avec le marché de l’art. La galerie de France (54, rue de la Verrerie, 42 74 38 00) présente jusqu’à la fin du mois de mai ses peintures récentes, qui veulent renouer avec la mission traditionnelle de la peinture : dire des histoires au moyen de symboles, décrypter les significations contradictoires du monde, donner à comprendre l’univers du visible. Par d’autres voies que celles pratiquées dans les années soixante, il s’agit encore pour Martial Raysse d’une "hygiène de la vision". Gottfried Honneger ne s’est pas livré, au cours de sa longue carrière, à ces changements de style intempestifs qui caractérisent son cadet. Son art est resté égal à lui-même, avec une rigeur dont le public a pu se déshabituer en assistant au spectacle toujours recommencé de l’éclectisme.
La galerie Gilbert Brownstone (26, rue Saint-Gilles, 42 78 43 21) présente, jusqu’au 18 mai, ses dernières explorations. Lorsqu’il est conceptuel, l’art se laisse moins facilement soumettre à l’instinct de changement. Des définitions mathématiques de ses débuts, Bernar Venet a gardé l’esprit, sinon la lettre. À leur sécheresse, il a cependant bientôt préféré les volutes tri-dimensionnelles de l’acier, auxquelles il a fini par s’attacher durablement. Aux abords des autoroutes ou dans l’espace du musée, elles gardent un même caractère improbable. On verra de quoi il en retourne désormais à la galerie Karsten Greve (5, rue Debelleyme, 42 77 19 37) du 3 mai jusqu’au 10 juin. Avec Daniel Spoerri, la question de l’éclectisme ne se pose même pas : dans son esprit, l’art n’est pas sujet à ce type de considérations puisque le style ne saurait être une idée fixe mais une simple contingence, une simple convenance. Pour lui, tout est possible et le monde n’a pas, pour cela, à être meilleur qu’il n’est. Sa nouvelle exposition à la galerie Yvon Lambert (108, rue Vieillle-du-Temple, 42 71 09 33), qui perdurera jusqu’au 29 mai, s’intitule "L’aube de l’âme humaine".
Des pieds à la tête
François Bouillon pouvait passer, il y a quelques années, pour un émule français de l’Art pauvre. Matériaux précaires, installations plus ou moins durables : la sculpture s’offrait dans tous ses états. Qu’en sera-t-il à la galerie Philippe Casini (13, rue Chapon, 48 04 00 34), qui présente ses derniers travaux jusqu’au 25 mai ? Jérôme Basserode appartient, lui, à une autre génération, qui n’a pas été soumise à d’aussi directes influences. Si son travail peut changer d’aspect, c’est moins par souci esthétique que par volonté de changer les règles du jeu de la perception à chaque fois qu’il en vient à considérer un objet. Intitulée "Partition", son exposition à la galerie Nelson (40, rue Quincampoix, 42 71 74 56), qui se poursuivra jusqu’au 25 mai, s’intéresse à l’objet musical dans ses relations au paysage. L’art contemporain ne se définit-il pas par le sens des contrastes qui s’y cultive ? De Basserode à Vincent Corpet, le moins que l’on puisse dire c’est que leurs travaux ne sont en aucune façon comparables, même s’ils ont à peu près le même âge. Corpet porte le regard au plus près des corps, des pieds à la tête, et les dépeint en restituant toutes les distorsions du regard. La galerie Templon (30, rue Beaubourg, 42 72 14 10) propose, jusqu’au 29 mai, ses derniers tableaux. D’un contraste l’autre, on découvrira aussi, dans la même perspective et avec le même intérêt, les expositions de Roni Horn à la galerie Ghislaine Hussenot (5, bis rue des Haudriettes, 48 87 60 81), de Régine Kolle à la galerie Samia Saouma (16, rue des Coutures-Saint-Gervais, 42 78 40 44), d’Erik Samak à la galerie des Archives (4, impasse Beaubourg, 42 78 05 77) et de Fariba Hajamadi à la galerie Laage-Salomon (57, rue du Temple, 42 78 11 71), qui se prolongent toutes jusqu’au 25 mai. On ne saurait oublier les artistes irlandais qui sont à l’honneur ce printemps dans les musées, mais aussi dans les galeries, avec par exemple Felim Egan, Mary Fitzgerald, Richard Gorman et Elizabeth Magill, à la galerie Le Monde de l’art (33-35, rue Guénégaud, 43 54 22 40) jusqu’au 8 juin.
SUISSE : CABINES DE BAIN
Exposés collectivement à la galerie Beyeler (9 Bäumleingasse à Bâle, 61-272 54 12) jusqu’au 30 mai, Max Bill, Karl Gerstner, Rolf Iseli et Oscar Wiggli sont singulièrement associés. Bien que la peinture des années quatre-vingt de Gerstner s’inscrive dans la ligne de Max Bill, dont on peut voir de magnifiques sculptures de marbre noir, sa recherche autour de la couleur apporte plus de sensualité à l’Art concret. Aux œuvres de Max Bill des années soixante à quatre-vingt-dix, sont confrontés également les sculptures et les dessins de Wiggli. Tout à fait à part, les peintures et les gravures retravaillées de Rolf Iseli, datant des années soixante-dix, révèlent une compréhension instinctive de son art, qui se traduit par une expression essentiellement gestuelle.
Baselitz à Zurich et Berne
Les estampes de Georg Baselitz sont à l’honneur à la galerie Kornfeld (48, Titlisstr. à Zürich, 01-251 03 60) jusqu’au 1er juin, ainsi qu’à la galerie Rigassi (62 Münstergasse à Berne, 31-311 69 64), qui propose également une dizaine d’originaux, jusqu’au 31 mai. Cette production, pour laquelle Baselitz a fait appel aux techniques les plus diverses, est représentée par des travaux sur papier des années quatre-vingt au début des années quatre-vingt-dix. La galerie Alice Pauli (9, rue du Port-Franc à Lausanne, 21-312 87 62) propose, jusqu’au 25 mai, une très belle présentation des œuvres récentes du Suisse Paul Viaccoz, dont la réputation s’était affirmée il y a trois ans, lors de son exposition au Musée Jenisch de Vevey. Reconnu pour son approche picturale particulièrement dépouillée, il reprend ici des pastels aux tons sourds, jouant parfois sur des dépôts pointillistes de phosphore. Il poursuit ainsi sa recherche de mise en espace de la lumière et son travail sur la couleur. La Galerie Calart Actual (4, rue Prévost Martin à Genève, 22-320 40 50) opte également pour une artiste peintre suisse tout à fait originale. Susana Vilani expose jusqu’au 14 mai une série de tableaux reproduisant des paysages modulés uniquement autour de la pierre et du rendu de sa matière. Jouant sur le déséquilibre des éléments, l’éclairage et l’espace, avec des effets de zoom sur certains détails colorés, elle parvient à créer une métaphore intéressante de l’esprit.
Tout est architecture
Avec Maurice Ruche, "Tout est architecture" à la Fondation Louis Moret (3, ch. des Barriäres à Martigny, 26-22347) jusqu’au 26 mai. On découvre la production plus intimiste d’un artiste surtout connu pour ses sculptures monumentales, notamment à la Fondation Gianadda.
L’association Attitudes, qui développe ses activités dans les espaces les plus divers, propose jusqu’au 19 mai une exposition à la piscine de La Motta (8, Petites Rames à Fribourg, 37-23 23 51), qui réunit essentiellement des jeunes artistes suisses et français. Cabines de bain : 54 artistes intervient dans le contexte inhabituel d’une piscine construite en 1923. Sculptures, projets vidéos, créations sonores et installations développent ainsi toute une thématique autour de l’interaction de la sphère privée et de l’espace public.
BELGIQUE : PARCOURS D’ARTISTES
Encore quelques jours pour aller voir chez Bernard Cats les photographies de Stefan De Jaeger. Avec pour motif central les masques du Musée de l’Afrique de Tervuren, De Jaeger poursuit ses recherches de démultiplication de l’image photographique pour rendre la présence animée d’un objet fragmenté par le regard. Vous pensez à Hockney ? Juste, mais l’influence ne s’exerce peut-être pas dans le sens que l’on croit. Une monographie à paraître à "La Lettre volée" devrait bientôt faire la lumière sur ces questions (jusqu’au 5 mai, chez Bernard Cats, avenue du Littoral 146 B, Knokke).
L’International Art Gallery offre ses cimaises à une intéressante rétrospective de l’œuvre de Paul Schrobiltgen, auquel Jacques Pleyers rend ici hommage. L’Abstraction y apparaît triomphante, comme une recherche géométrique que la sensibilité aux matières, la fébrilité des couleurs, l’harmonie des lumières assouplissent considérablement (jusqu’au 25 mai).
Une quinzaine de Degottex
Zèdes déploie, jusqu’au 4 mai, les amples calligraphies de Jean Degottex. Le geste aspire à l’écriture tandis que les couleurs se font paysages à l’orientale. La quinzaine de toiles et gouaches exposées témoignent de cette vitalité du signe, qui fut aussi la marque d’une époque.
Quadri a réuni huit artistes pour décliner le mot collage sur tous les modes du ciseau et de la colle. Le point d’ancrage réside dans un héritage surréaliste que tous partagent à divers degrés. Si Marcel Mariën fait figure de monument, Théodore Koenig et Serge Vandercam apparaissent comme les héritiers de cette première génération. Témoins de Cobra, de Phantomas ou de Phase, ils font du collage un point de rencontre entre le mot et la chose. Subversifs, les cOllages le restent avec André Stas, dont les "Gueules de cons" sont autant des portraits sincères que des relevés topographiques. Xavier Canonne joue du sens et du contresens pour faire du collage une œuvre à clés. Marcel-Louis Baugniet et Léon Wuidar attestent pour leur part du sens du collage dans une abstraction construite (jusqu’au 25 mai).
Parcours d’artistes
À L’Arche de Noé, Thierry Flon expose ses travaux récents. L’architecte et designer d’intérieur s’amuse avec le vocabulaire de sa discipline (du 3 au 18 mai, rue des Minimes, Bruxelles).
Enfin, pour terminer, un passage obligé à Parcours d’artistes 1996, organisé comme chaque année à Saint-Gilles entre le 4 et le 19 mai. Musées, galeries, centres culturels, ateliers et lieux publics se mettent en quatre pour offrir une animation de qualité qui laisse une large place aux galeries. À côté d’une exposition Khnopff, qui se tiendra dans la salle de l’Hôtel de Ville, un parcours est organisé regroupant plus de soixante-dix lieux. Au 12 rue de la Glacière, les galeries de Saint-Gilles (Contretype, Galerie Coppens, Debras-Bical, La Papeterie, Pascal Polar, Michel Vokaer et Le Salon d’Art) se sont unies pour offrir une exposition de plus de 2 000 m2 autour d’un thème commun. "L’image de la trace, l’image et le signe" permettra de découvrir des travaux de Bage, Mineur, Cassamayor, Meurant, Nadaud, Leisgen, Ollivero ou Winance.
List 96-The Young Art fair, un nouveau salon consacré à 35 "jeunes galeries" représentant des artistes des années quatre-vingt-dix, sera organisé à Bâle en même temps qu’Art Basel, du 12 au 16 juin, dans l’ancienne brasserie Warteck. Des marchands de 11 pays européens et des États-Unis y prendront part, parmi lequels les galeries parisiennes Anne de Villepoix, Air de Paris et Sanguine, Peter Kilchmann et Walcheturm, de Zurich, et la galerie Meile, de Lucerne.
La 28ème édition du Salon antiquités brocante de la Bastille réunira 60 antiquaires sous Âchapiteau, place de la Bastille, et 290 brocanteurs dans autant de petites baraques des deux côtés du bassin de l’Arsenal, du 16 au 27 mai.
Le Grand Déballage professionnel d’antiquités et brocante se tiendra le 7 mai au Parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte, avec 500 stands tenus par des marchands français et européens.
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Un tour des galeries (I)
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°25 du 1 mai 1996, avec le titre suivant : Un tour des galeries (I)