Un art hors cadre

Les auteurs d’Art brut issus du monde entier qui sont exposés (des « historiques » Adolf Wölfli et Joseph Crépin aux plus contemporains, tels Gérard Lattier ou Reinhold Metz) paraissent se plaire à déjouer les codes traditionnels de la représentation, le plus souvent en toute inconscience. Là, des peintures ou dessins peuvent littéralement déborder du cadre, comme chez Aloïse Corbaz ; plus loin, les cadres sont démultipliés, comme chez le Bavarois Josef Hofer ; ailleurs encore, le cadre prend au contraire une importance disproportionnée par rapport à la représentation centrale : les encadrements à la richesse et complexité ornementale du Russe Boris Bojnev, fabriqués à l’aide de matériaux de récupération ou les hauts-reliefs de l’Italien Giovanni Battista Podesta en témoignent.

L’usage conventionnel du cadre semble le plus souvent synonyme de restriction et d’emprisonnement pour des créateurs rétifs aux limites imposées et aux cadres normatifs dictés par la société. Le cadre est en effet une « notion (qui) vole en éclats chez la plupart de ces auteurs qui travaillent en toute liberté, sans se soumettre aux normes culturelles, et en ne s’imposant que leurs propres règles », pour Sarah Lombardi, l’actuelle directrice de la Collection. Et, pourtant, il arrive que le cadre symbolise une limite sécurisante, un cordon face à un monde vaste et menaçant, l’incarnation d’un monde ordonné et organisé – et ce n’est pas la dernière des contradictions révélée par cette nouvelle approche de l’Art brut. Thème passionnant qui repousse les limites de l’histoire de l’art et qu’on aimerait voir traité et élargi à l’échelle d’autres périodes artistiques ou aires culturelles, le cadre est ici abordé dans un court et limpide parcours divisé en dix chapitres, avec une sélection d’œuvres qui se passent le plus souvent de mots.