Le Palais des beaux-arts de Lille réunit les nombreuses œuvres signées d’artistes scandinaves et finlandais réalisées en France entre 1870 et 1914.
LILLE - Capitale des arts au XIXe siècle, Paris fut la terre d’accueil de nombreux artistes en herbe, venus des confins de l’Europe comme des États-Unis pour échapper à leurs académismes nationaux respectifs. Parmi ces étudiants soucieux de moderniser leurs techniques, une vague nordique sans précédent a touché les côtes françaises, de la Picardie à la Bretagne, décrochant au passage quelques médailles lors des différents Salons et Expositions universelles. Cet épisode, en apparence anecdotique, de la mémoire artistique française fait aujourd’hui l’objet d’une exposition au Palais des beaux-arts de Lille. Fondée sur les recherches de Frank Claustrat, « Échappées nordiques » reconstitue le parcours d’une colonie qui a puisé ses sources dans le naturalisme de Jules Bastien-Lepage avant de développer sa propre identité stylistique une fois de retour en mère(s) patrie(s).
Cet événement pourrait être dédié à Léonce Bénédite (1859-1925), nommé directeur du Musée du Luxembourg en 1892 et fondateur du Musée des écoles étrangères en 1922. L’ouverture d’esprit de ce conservateur est à l’origine d’une série d’achats, effectués par l’État français dès 1879, d’œuvres signées d’artistes suédois, finlandais, norvégiens et danois que l’on retrouve aujourd’hui dans les collections publiques – réparties entre le Musée d’Orsay et une multitude d’établissements de province (Amiens, Rouen, Rennes, Pau, mais aussi Pézenas dans l’Hérault, Nemours en Seine-et-Marne…). Représentant les deux tiers des fonds français, la sélection lilloise illustre tout d’abord la facilité avec laquelle ces artistes se sont approprié les principes naturalistes de Bastien-Lepage, livrant une vision très personnelle de la campagne normande ou du front de mer de la Côte d’Opale. Ainsi, lorsque le Suédois Gustaf Theodor Wallen met en scène une veillée funèbre en Bretagne (La Maison mortuaire, v. 1892), ses protagonistes sont immédiatement identifiables grâce à leur costume local, tandis que l’ambiance chromatique travaillée à partir du drap blanc tendu en arrière-plan confère à l’ensemble une ambiance décorative typiquement gustavienne.
Cinématographique
Le parcours thématique épouse celui des peintres de retour au pays, où ils appliquent la leçon française pour ensuite s’affirmer dans un mysticisme étayé par l’avènement du symbolisme et un attachement à la nature en accord avec l’esprit panthéiste et contemplatif propre aux contrées du Nord. De cet ensemble se dégage un rapport complexe avec la lumière, dans des pays aux consciences marquées chaque année par l’alternance de la présence permanente du soleil et de sa désertion. Dans la majorité des toiles, le travail d’orchestration de la lumière est cinématographique avant l’heure, à tel point que l’éclairage devient un personnage à part entière – rendez-vous entre la lune et le soleil couchant dans Le Départ des pêcheurs de Peder Severin Krøyer ; conjugaison des sources d’éclairage digne du Studio Harcourt pour le portrait d’Alfred Beurdeley par Anders Zorn ; dialogue entre lumière artificielle et clarté naturelle dans le portrait du Docteur Roux d’Albert Edelfelt…
S’appuyant sur un fonds oublié et redécouvert, « Échappées nordiques » est un plaidoyer en faveur de l’inaliénabilité des œuvres dans les collections publiques. Car si un collectionneur privé est libre d’acheter et de se défaire de ses trophées au gré de ses humeurs, de son goût et de la couleur qu’il souhaite donner à l’ensemble de ses biens, une collection publique a pour devoir de conserver les témoignages de l’histoire pour les générations à venir. Et les conservateurs de musée de les faire revivre par le biais d’une relecture moderne, ainsi que cette exposition lilloise le démontre magistralement.
jusqu’au 11 janvier 2009, Palais des beaux-arts, place de la République, 59000 Lille, tél. 03 20 06 78 00, www.pba-lille.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, 14h-18h le lundi, fermé le 25 décembre et le 1er janvier.
Catalogue, coéd. Palais des beaux-arts, Lille/Somogy, Paris, 216 p., 29 euros, ISBN 978-2-757-202-142
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Trésors du Nord
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire générale : Annie Scottez-De Wambrechies, conservatrice en chef chargée du département des XVIIIe et XIXe siècles au musée
- Commissaire scientifique : Frank Claustrat, maître de conférences en histoire de l’art contemporain, université Paul-Valéry, Montpellier-III
- Nombre d’œuvres : 105 œuvres dont une seule est conservée à l’étranger
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°291 du 14 novembre 2008, avec le titre suivant : Trésors du Nord