SAINT-ETIENNE
L’œuvre de Marie Cerminova, alias Toyen, née à Prague en 1902, est présentée pour la première fois en France dans une importante rétrospective au Musée d’Art moderne de Saint-Etienne.
Toyen apparaît aujourd’hui comme un personnage emblématique de la bohème artistique de l’avant-garde praguoise de l’après-guerre. Cette jeune femme peintre, éprise d’anarchisme, emprunte son pseudonyme à une abréviation du mot « citoyen », en hommage aux idéaux de la Révolution française. Après son adhésion en 1923 au groupe Devetsil (Union artistique), plaque tournante de l’activisme artistique à Prague, elle ne tarde pas à se tourner vers Paris, puis vers le surréalisme, pour défendre l’émancipation féminine. Son style connaît une évolution considérable : le réalisme magique qui caractérise la peinture engagée de l’après-guerre en Tchécoslovaquie, est bientôt remis en cause par la confrontation au constructivisme, exporté par le jeune état bolchevique. C’est plutôt au contact du purisme, lors de son arrivée à Paris, en 1925, que Toyen affine néanmoins sa maîtrise de la construction géométrique. L’artiste évite soigneusement tout formalisme radical. L’essence singulière de sa recherche se révèle dans l’expression d’une nouvelle figuration qui peu à peu se fait jour. De retour à Prague en 1928, elle fonde avec son mari Jindrich Styrsky, une esthétique spécifique, l’Artificialisme, dont l’esprit est proche des théories d’André Breton : une peinture provoquant « des émotions poétiques qui ne sont pas seulement optiques et excit(ant) une sensibilité non seulement visuelle ». En 1934, le groupe surréaliste tchèque est fondé à l’occasion de la venue de Breton et d’Eluard en Bohème. L’univers de Toyen se concentre alors sur l’identité féminine : sans exprimer une sexualité agissante, sa peinture cherche néanmoins à aller au-delà de l’image fantasmée de la femme surréaliste. Dans les années 30 puis pendant la guerre, le surréalisme de Toyen, comme chez son compatriote Josef Sima, réagit aux totalitarismes et aux conflits par une figuration hallucinée et fortement éloquente. On doit à son installation définitive à Paris, en 1947, la présence (relativement invisible jusqu’à présent) de ses œuvres dans les collections françaises. La rétrospective actuelle permettra certainement une revalorisation de son travail au regard des préoccupations historiographiques récentes.
SAINT-ETIENNE, Musée d’Art moderne, La Terrasse, tél. 04 77 79 52 52, 28 juin-30 septembre.
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Toyen, une femme surréaliste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°539 du 1 septembre 2002, avec le titre suivant : Toyen, une femme surréaliste