Il y a en réalité deux expositions Ben. Celle du commissaire Andres Pardey, ordonnée, chronologique, aux tableaux de l’artiste alignés au millimètre près sur les murs blancs de l’institution.
Une exposition de beaux-arts, donc. Puis il y a celle de Ben lui-même, un capharnaüm, une débauche d’écriture et de bric-à-brac. « Je me sens mieux quand j’en mets beaucoup », écrit Ben pendant la préparation de cette première rétrospective suisse. Pontus Hultén lui a dit un jour : « Si tu as quelque chose à dire, le mur des toilettes suffira. » Apparemment, il ne s’en est jamais contenté, il a rempli les murs du magasin qu’il a tenu à Nice entre 1958 et 1972, remonté ici à Bâle après avoir été transporté depuis le Centre Pompidou où il est conservé. Il y organisait déjà des expositions de personne où personne n’était invité et signait déjà tout. À Bâle, Ben circule dans sa salle en citant à tout bout de champ Cage et Duchamp. Après eux, tout est art et l’artiste signe donc tout, même le paysage niçois, la mort ou les œufs de poule. Ben, le démiurge, s’empare de la signature de l’artiste comme d’une baguette magique qui fait art de tout pour parler du rôle de l’artiste dans l’art moderne. Chercher une idée ou une forme n’ayant jamais été réalisée en tant qu’œuvre d’art et l’authentifier comme telle. Depuis ce tableau de 1966, il n’a cessé de chercher une originalité formelle en apportant l’écriture dans la peinture. C’est devenu sa marque de fabrique, multipliée à l’infini en blanc sur des toiles noires. Ben a toujours quelque chose à dire. À 80 ans, il est intarissable, adopte une posture mi-« je-m’en-foutiste », mi-fier. Mais Ben doute aussi parfois. Les artistes se donnent trop d’importance date de 1966. Ben se moque de lui et des journalistes, dont il imite le beuglement en faisant tourner des « boîtes à meuh » installées sur une roue de vélo, hommage à Duchamp, là encore. Ben remplit l’espace et l’air et laisse pourtant place à l’amusement et à la réflexion. En repartant le lendemain à bord de sa caravane couverte d’écritures, il nous laisse en suspens le titre de l’exposition en forme de question : « Est-ce que tout est art ? »
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Tout Ben !
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Légende photo
Ben Vautier, Il faut en rire, 2014, acrylique sur toile, collection Ben Vautier ©, Ben Vautier
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Tout Ben !