Peinture - Parfois, lorsqu’il était enfant, un oncle le tenait suspendu dans l’escalier, le menaçant de le lâcher s’il continuait ses bêtises.
Sans doute cet escalier s’est-il imprimé sur la rétine de ce jeune garçon né à Paris en 1934 dans une famille juive polonaise, qui devra traverser les catastrophes de la Seconde Guerre mondiale. Et lui-même s’est changé en araignée, une araignée qui descend du plafond sur son fil, vacillant au gré des courants d’air dans l’espace et cherchant l’équilibre. Or, en devenant araignée, le voilà qui devient peintre et représente de façon obsessionnelle des « espèces d’espaces » – pour reprendre le titre d’un ouvrage de Georges Perec, où l’écrivain remarque que « vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner ». « On ne fait pas assez attention aux escaliers », écrit d’ailleurs Perec, quand, de son côté, Sam Szafran peint de façon obsessionnelle des escaliers qui semblent mouvants et vivants, ou encore une imprimerie, ou bien des ateliers oniriques, tantôt emplis de neige ou de pluie, tantôt perturbés par une chaise qui s’envole, ou un funambule tentant de traverser la pièce au-dessus des pastels. Trois ans après la mort de l’artiste, le Musée de l’Orangerie plonge le visiteur au cœur de ces séries obsessionnelles au fusain, au pastel et à l’aquarelle, dans un parcours rythmé et aérien qui envoûte, voire provoque l’addiction : loin de se lasser, on en désire plus encore. Ce « plus encore », l’exposition nous le donne en levant un voile sur le mystère de la création de Sam Szafran. Une vidéo unique montre ainsi l’artiste dessiner avec ses pastels, le geste nerveux et précis, le visage anguleux concentré : il semble dessiner comme une araignée tisse une toile. Et, en découvrant un cahier de Polaroid et un montage photographique d’un escalier, prêtés par la veuve de l’artiste et qui évoquent les recherches plastiques d’un David Hockney dont les yeux de mouche et appareils photographiques impriment chaque détail d’un paysage kaléidoscopique, on comprend d’un coup le mouvement des escaliers tournoyants de Szafran... Nous voici pris dans sa toile arachnéenne, incapables de quitter les lieux.
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Szafran, comme une araignée au bout du fil
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°759 du 1 novembre 2022, avec le titre suivant : Szafran, comme une araignée au bout du fil