Réfléchir sur ce qui nous différencie ou nous rapproche les uns les autres, sur l’identité, toucher au tabou du corps dans la lignée d’Orlan afin d’en arriver à son « redesign », telles étaient les motivations antérieures des recherches photographiques de l’Hollandaise Ines Van Lamsweerde. Manipulatrice d’images retouchées à l’ordinateur, elle nous avait ainsi habitué à croiser de petites filles diaboliques aux sourires de jeunes hommes, Final Fantasy, ou des femmes nues depossédées de leurs attributs sexuels Thank you Thighmaster. Si l’on ne pouvait s’empêcher alors de songer à Artaud voulant « reconstruire » l’homme, lui oter ses organes afin qu’il recouvre sa véritable liberté, c’est à présent l’univers sulfureux de Lolita de Nabokov que ses dernières photographies ne cessent d’évoquer. L’âge où les jeunes filles ne sont pas en fleurs mais en boutons, s’identifiant à leur mère, se déguisant en femme, en mariée, se mettant du rouge aux lèvres et du vernis sur les ongles, s’enveloppant dans des voiles et des chiffons, avant de se hisser sur des escarpins instables, ayant l’irrésistible attrait d’être à talons. Inès joue sur l’ambiguïté de ces futures femmes, séductrices en herbe, qui cherchent déjà inconsciemment à attirer le regard et l’attention des hommes. Sujet intéressant mais qui reste peut-être en surface, multipliant les allusions au déguisement, au maquillage, à l’innocence que ne reflète déjà plus le regard. Dans The Widow red en revanche, elle donne naissance à l’iconographie nouvelle de la petite-fille berçant son père, sorte de Vierge au Père, véritable illustration du complexe d’Œdipe. L’exposition de la Galerie Almine Rech « Group Show » accueille également deux autres artistes autour du thème de l’enfance. Nicky Hoberman qui peint des fillettes à la tête et aux yeux démesurément grands, sorte de figures fœtales semblant parfois porter le poids de nos angoisses, et Miltos Manetas qui s’interroge avec plus de légèreté sur les personnages faisant aujourd’hui partie de l’imaginaire infantile. Point de Bécassine, il donne la vedette à la virtuelle et sexy Lara Croft, nouvelle égérie des enfants, et – vu ses mensurations – probablement aussi de leurs papas !
Galerie Almine Rech, jusqu’au 6 mars.
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Sous le charme des Lolitas
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°503 du 1 février 1999, avec le titre suivant : Sous le charme des Lolitas