C’est un grand écart que nous propose la fondation privée DHC, en passant de l’ambiance patrimoniale du vieux Montréal où elle est installée, à l’univers technologique de Ryoji Ikeda. Pour cette première monographie d’importance en Amérique du Nord, l’artiste écrit une véritable élégie au binaire.
Au fil d’ensembles froids et minimalistes faits de chiffres, d’encodages, de systèmes complexes, brassant l’infini et les microparticules, grandissent une empathie et une sensibilité presque incongrues. Ces chiffres, ces rythmes noir et blanc inscrits en 0 et 1 au fil des toiles et des surfaces, font notre quotidien invisible, un flux continu d’information, de communication, de codes, de schémas. Ils filent à un rythme effarant, matière mutique mais ô combien bavarde une fois filtrée, ralentie par les machines et les observations de Ryoji Ikeda qui fait de ses spectateurs de patients laborantins. Ici penchés sur des bancs lumineux à scruter à la loupe des films miniatures, là absorbés par le rayonnement vibratile d’une dizaine d’écrans animés de courbes sinusoïdales, de dessins vectoriels, de défilements astronomiques de calculs.
Le travail sonore du second espace (Datamatics) tranche avec la sobriété ascétique du premier immeuble (Systematics). Un rythme binaire qui scande jusque dans l’être le visiteur qui voudra bien se plonger dans cet univers exigeant mais qui se fait vite fascinant. Une fois entré au cœur de cette matrice numérique, c’est bien l’humain qui domine. L’esthétique du numérique des années 1990 et des 2000 vit ici un paradoxe : déjà obsolète, elle est intemporelle.
DHC, Fondation pour l’art, 451 et 465, rue Saint-Jean, Montréal, www.dhc-art.org
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Ryoji Ikeda le monde en binaire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°650 du 1 octobre 2012, avec le titre suivant : Ryoji Ikeda le monde en binaire