« L’Orient ». Au XIXe siècle, le mot sonne comme un ailleurs rêvé, comme une contrée éloignée.
Il sent les épices et l’encens, glisse comme la soie et coule comme l’eau des bains. L’Orient semble bien être cela, que cela : un endroit imaginaire où les agrumes dorent au soleil et où les femmes brunes dorment aux fontaines. D’amour et d’eau fraîche, l’Orient, dit-on, est fait. D’amour et d’eau fraîche, l’Orient devra être fait.
Dont acte : la vague orientaliste qui s’empare de l’Europe occidentale est, à ses débuts, nourrie de fantasmes et d’élucubrations. Les bains turcs saturés de nymphes lascives alternent avec des scènes prétendument pittoresques. De la sorte, l’indolente Odalisque vue à mi-corps de François Souchon répond aux frivoles Danseuses des Ouled-Naïl d’Émile Marquette. Exaltés, les artistes créent un nouveau répertoire dont la mode enfante une cohorte de désignations. Tout, désormais, se décline alla turca. Rien, à présent, ne saurait être fait autrement qu’« à l’orientale ».
Les voyages se multiplient vers ce Levant dont tous, comme Delacroix après son séjour marocain de 1832, reviennent émerveillés. Mais il faut l’apparition des clichés photographiques pour que cesse la prolifération des clichés mythologiques. Talbotypes, albumines et autochromes, en fixant une réalité vécue, assurent une précision documentaire, volontiers ethnographique. Les Derviches tourneurs, photographiés par Pascal Sebah au milieu du siècle, ont cette fois de l’Orient l’exotisme et l’authenticité. Longtemps fantasmées, les reliques reçoivent enfin le sceau du réel. Presque aussi vraies que natures, les Syriennes portant leurs enfants (vers 1880) de Félix Bonfils sont plus vraies qu’en peinture.
L’Orient a toujours existé. L’Espagne andalouse et la sérénissime Venise ont tôt regardé vers les fastes arabes ou l’opulence byzantine. Le xixe siècle ne redécouvre pas l’Orient, il en découvre simplement l’image. Une image multiple, reproductible, altérée, colonisatrice ou politique. Parfois splendide. Une image déformée qui, en retour, renvoie celle, grossissante, de l’Occident.
Le parcours lillois s’achève sur une sélection d’artistes interrogeant la vision stéréotypée de l’imaginaire occidental. D’Anton Solomoukha, l’on retiendra Le Petit Chaperon rouge visite le Louvre (2007). Une satire acide digne… des Lettres persanes (1721).
« Miroirs d’Orient », Palais des Beaux-Arts de Lille, place de la République, Lille (59), tél. 03 20 06 78 00, www.pba-lille.fr, jusqu’au 31 août 2009.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Rêves d’ailleurs, le revers de l’Orient
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Rêves d’ailleurs, le revers de l’Orient