Chercheuse au Centre d’études africaines de l’École des hautes études en sciences sociales, Anne Doquet a publié Les masques dogon (Karthala, 1999).
Vincent Noce : Vous qui avez travaillé sur les masques dogons, comment avez-vous réagi à l’exposition ?
Anne Doquet : :Je voudrais par-dessus tout qu’on sorte d’une image d’une culture figée et hermétique, et je crains que l’exposition n’y parvienne pas. Je regrette ainsi que dans la séquence consacrée aux masques, la parole de Griaule soit affichée sans distance, alors qu’on sait aujourd’hui combien elle est sujette à caution : certains chercheurs comme Clifford ou Van Beek sont allés jusqu’à parler de « mystification ».
V.N. : Quel reproche faites-vous à Griaule ?
A.D. : Il a apporté énormément d’éléments, en particulier avant guerre. Ce qui est plus problématique, c’est son livre Dieu d’eau de 1948, dans lequel il restitue les propos d’un vieil aveugle qu’il intègre en fait à une reconstruction qui est la sienne. J’ai eu la chance de le confronter à ses carnets de terrain, montrant à quel point il avait retravaillé la complexité des légendes pour les intégrer à un système cohérent, au point de gommer les contradictions des récits ou ses propres hésitations sur leur fiabilité. Sans compter le grand talent d’improvisation de son informateur, qui a fini par suivre un fil tiré par Griaule en intégrant au besoin des éléments tirés de la Bible ou de l’islam. Georges Balandier a été le premier dans les années 1960 à s’opposer à cette ethnologie des sociétés traditionnelles, closes et répétitives, en proposant de s’inscrire dans une anthropologie dynamique prenant en compte les interactions avec l’islam ou la situation coloniale. Je regrette, à cet égard, que l’exposition se soit arrêtée à la période coloniale, comme si les cérémonies, les masques, les fers forgés ou les tissus n’évoluaient plus depuis.
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Questions à… Anne Doquet
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°636 du 1 juin 2011, avec le titre suivant : Questions à… Anne Doquet