Art moderne

À propos de la Section d’or

Trois moments de l’histoire du Cubisme recomposés

Par Marie Bourdet · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2001 - 568 mots

Rassemblement d’amis-artistes autour d’une idée commune de l’art, la Section d’or, épisode oublié des premières années du Cubisme, est remise en lumière, grâce à une exposition et un passionnant catalogue.

MONTPELLIER - À la suite du scandale provoqué par la peinture cubiste au Salon des indépendants de 1911, des artistes, réunis à Puteaux autour de Duchamp, Villon et Duchamp-Villon, décident de présenter eux-mêmes leurs œuvres lors d’une exposition qu’ils intitulent la “Section d’or”, en référence à leurs préoccupations mathématiques. Ouverte en octobre 1912 dans la galerie La Boétie, celle-ci a pour objectif de faire reconnaître le Cubisme comme un mouvement unifié, rattaché à la tradition. Des personnalités aussi fortes que diverses – Picabia, Metzinger, Gleizes, Léger, Archipenko, Marcoussis – participent à l’événement qui comprend une sélection de 185 œuvres de 32 artistes. Le groupement reste ensuite en sommeil pendant sept ans, jusqu’à l’initiative de Gleizes, Survage et Archipenko, qui déposent en 1919 le statut d’une association de la Section d’or, à laquelle se joignent les artistes néo-cubistes russes de Paris dont Larionov, Natalia Gontcharova et Marie Vassilieff. Passée presque inaperçue dans la presse et auprès du public parisien, la manifestation qu’ils organisent à nouveau en 1920 dans la galerie La Boétie, circule néanmoins en Europe pendant deux ans. Enfin, les marchands Alfred Daber et Max Berger inaugurent leur galerie Vavin-Raspail, en 1925, avec une tentative de reconstitution de la Section d’or de 1912. L’introduction de Picasso, Braque et Delaunay (les grands manquants de 1912), et l’éviction des artistes russes de 1920, des hérétiques passés au Dada – Duchamp et Picabia – démontrent un désir précoce de relecture historique du mouvement.

Un moment crucial
Fruit de deux ans de travail, l’exposition présentée à Montpellier, après les Cordeliers à Châteauroux, met pour la première fois en perspective les trois moments de la Section d’or, avec une succession de petits espaces monographiques. Au-delà de l’aspect fédérateur, l’association sert de cadre aux rencontres d’artistes comme le montrent les recherches du conservateur des musées de Châteauroux, Cécile Debray, et du maître de conférences de l’université du Maine, au Mans, Françoise Lucbert. C’est à la Section d’or de 1912 que Kahnweiler, le marchand de Braque et Picasso, a remarqué l’art de Juan Gris. Kupka a participé à l’événement dès 1912. À côté des grands noms, l’exposition fait redécouvrir des artistes oubliés ou méconnus : Valensi avec L’Air autour des scieurs de long (1912), Marchand avec les Chemins de fer en Russie (1911) ou Ribemont-Dessaignes avec Les Toits (1912-13) ainsi que le sculpteur catalan Agero, figure importante de 1912, avec Femme au bras levé (vers 1911). Moment crucial avant l’éclatement du mouvement en diverses directions, la Section d’or, comprise comme un épisode majeur du Cubisme, nous amène aussi à nous interroger sur l’appréhension des œuvres par les contemporains. La plupart des compositions décriées par la presse d’alors – Nu descendant un escalier de Duchamp, L’Homme au café de Gris, La Noce et Les Toits de Paris de Léger, Complexe de Picabia et Le Goûter de Metzinger – sont désormais reconnues selon Cécile Debray, comme des “icônes de la modernité”. Passionnant travail de recherches, le catalogue est désormais l’ouvrage de référence sur la Section d’or et ses enjeux.

- LA SECTION D’OR, jusqu’au 18 mars, pavillon du Musée Fabre, Montpellier, tél. 04 67 14 83 00, tlj sauf lundi, 10h-19h, catalogue, coédition Musées de Châteauroux/Musée Fabre/Cercle d’Art, 343 p., 250 F, ISBN 2 7022 0598 4

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°118 du 5 janvier 2001, avec le titre suivant : À propos de la Section d’or

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