Lancé en 2000, sur une initiative de l’Adiaf, une association de collectionneurs d’art contemporain, le Prix Marcel Duchamp a été créé afin de défendre la scène française sur le marché de l’art international. Il distingue un artiste résidant dans l’hexagone, en le dotant d’une somme de 35 000 euros, et en lui offrant l’opportunité d’exposer pendant deux mois au Centre Pompidou. Sélectionnés par un comité composé de membres de l’Adiaf, cinq artistes ont été nominés. Le lauréat, qui succédera à Thomas Hirschhorn, sera désigné à la fin du mois de mars par un jury international. Portraits des cinq candidats.
Wang Du
« L’homme qui veut être un média » n’a certainement pas fini de faire parler de lui. Cet artiste chinois, qui vit en France depuis plusieurs années, passe au crible les magazines et les journaux pour en extraire des images qu’il transpose ensuite en trois dimensions, donnant ainsi poids et volume à la volatilité de l’information spectacle. Volontairement éclectiques, les thèmes recyclés appartiennent aussi bien au domaine de la politique qu’à celui du divertissement, montrant comment le flot incessant des images nivelle le contenu des messages. Principalement réalisées en plâtre polychrome, les sculptures de Wang Du combattent les mass-médias sur leur propre terrain, en imitant leur langage et leurs procédés : tape-à-l’œil et imposantes, elles fonctionnent comme de véritables machines de guerre camouflées sous les atours de la séduction.
Repères biographiques
Né en Chine en 1956 ; vit et travaille à Paris depuis 1990.
- Expositions personnelles :
2001 : « Luxe populaire », Rectangle,
Centre d’Art contemporain de la ville de Lyon.
« Réalité jetable », Rodin Gallery, Séoul, Corée.
« No comment », Transpalette,
Centre d’Art contemporain de la ville de Bourges.
« Comment », Le Box, Bourges.
2000 : « Réalité jetable », le Consortium, Dijon.
« Mon kiosque », Fiac, Stand ART & Public.
« Défilé », Deitch Projects, New York.
Valérie Jouve
Comme une scénariste capable d’établir un dialogue inattendu entre deux acteurs qui jouent ensemble depuis toujours, Valérie Jouve renouvelle, à sa manière, l’éternelle équation de l’inscription d’un personnage dans un environnement donné. Ses photographies, qui mettent en scène des individus dans des espaces généralement urbains, créent des situations de tension où le parti pris apparemment descriptif bascule dans un champ éminemment plus dramatique et théâtral ; un geste banal comme fumer une cigarette, par exemple, devient une sorte d’image archétypale. Cette vision de la réalité, que l’on a souvent qualifiée de plus réelle que le réel, ne s’interdit pourtant aucun des procédés illusionnistes offerts par la technique actuelle. L’artiste quitte, en effet, de plus en plus régulièrement les rives de la photographie stricte et pure, construisant ses images comme le feraient un peintre ou un réalisateur, en effectuant des retouches sur ordinateur ou des photomontages.
Repères biographiques
Née en 1964 à Saint-Etienne ; vit et travaille à Paris.
- Expositions personnelles :
2001 : Maison Populaire, Montreuil.
« Projet Résidence Artiste », Ecole d’Art de Marseille.
« Index », Swedish Contemporary Art Foundation,
Stockholm.
2000 : Galerie Shoshana, Santa Monica, Californie.
Galerie Charlotte Moser, Genève.
Centre culturel, Beauvais.
Anri Sala
Certainement l’artiste le plus primé de sa génération, ce jeune Albanais, âgé d’à peine 27 ans, est devenu en quelques années la coqueluche du milieu de l’art contemporain, obtenant pour ses vidéos de nombreuses récompenses. Dans Intervista, un de ses premiers films, réalisé en 1996, Anri Sala choisit la forme du documentaire et de l’enquête. Après avoir retrouvé une vieille bobine de film, dans laquelle il découvre une interview – sans le son – de sa mère lors d’un congrès de la jeunesse communiste albanaise en 1977, il décide de partir à la recherche de la bande son perdue. Cette quête le conduit sur les traces du passé de sa mère et de son pays. Il réussit finalement, en faisant déchiffrer les mouvements des lèvres, à restituer les paroles disparues de sa mère, qui se retrouve ainsi confrontée à ses idéaux et à ses désillusions. Ce télescopage entre l’Histoire et les histoires individuelles réapparaît dans plusieurs de ses vidéos plus récentes comme Nocturnes ou Arena où le contexte politique vient interférer dans des récits et souvenirs personnels parfois douloureux.
Repères biographiques
Né en 1974 à Tirana ; vit et travaille à Paris.
- Expositions personnelles :
2002 : « Solos for Video », K21, Düsseldorf.
Gallery Hauser & Wirth, Zürich.
2001 : « It Has Been Raining Here »,
galerie Chantal Crousel, Paris, France.
« Anri Sala, Nocturnes », Delphina Project Space,
London, England.
Dominique Gonzales Foerster
Découvrir les installations de Dominique Gonzales Foerster dans les galeries et les musées, et voir ses films programmés à la Quinzaine des réalisateurs pendant le Festival de Cannes, permet de comprendre les mécanismes d’une œuvre qui s’élabore aux confins des différents domaines artistiques. Dans Riyo, elle emprunte le vocabulaire cinématographique en réalisant un long travelling qui traverse Kyoto et dure le temps d’un échange téléphonique entre deux adolescents. L’espace et le temps semblent se fondre dans le lent défilement du paysage en arrière-fond. Cette réflexion sur l’espace, l’architecture et les relations humaines se retrouve au cœur de Central, où l’on aperçoit les quais des ferries à Hong-Kong pendant qu’une jeune femme évoque ses liens avec son frère. Parcourant la planète, du Japon au Brésil en passant par les Etats-Unis, l’artiste nourrit son travail de ses voyages et de ses références cinématographiques.
Repères biographiques
Née en 1965 à Strasbourg ; vit et travaille à Paris.
- Expositions personnelles :
2002 : « Ann Lee In Anzen Zone », Gallery Koyanagi, Tokyo.
Riyo, Central, Plages, Galerie Jan Mot, Bruxelles.
« Ipanema Theorie/Plages », the Moderna Museet Stockholm.
2001 : « Ann Lee in Anzen Zone », galerie Jennifer Flay, Paris.
Galerie Schipper Krome, Berlin.
« Cosmodrome », Le Consortium, Dijon (avec Jay Jay Johanson).
Riyo et Central, Festival international du Film, Cannes.
« Dominique Gonzales Foerster », Portikus, Francfort.
Bernard Frize
Imperturbable, Bernard Frize traverse depuis plus de 25 ans les tempêtes que l’art occasionne : que l’on annonce la fin de la peinture ou sa renaissance, il poursuit son œuvre picturale, demeurant son fidèle serviteur en même temps que son observateur critique. C’est probablement ce positionnement ambivalent qui confère à ses tableaux un charme étrange fait de retenue et de simplicité apparente. Séduisantes, les couleurs ne se livrent qu’à moitié aux spectateurs qui les contemplent ; recouverte d’un glaçage qui transforme la surface peinte en miroir, l’œuvre déjoue partiellement l’attrait sensuel et tactile attendu, préférant faire vibrer d’autres cordes, sans doute plus intellectuelles. Depuis les années 70, Bernard Frize explore de façon quasi systématique tous les modes d’élaboration de la peinture, et interroge l’ensemble de ses éléments constitutifs (la figure, le fond, la trame, la couleur, le plan...) réaffirmant ainsi l’extrême modernité de son médium.
Repères biographiques
Né à Saint-Mandé (France) en 1949 ; vit et travaille à Paris.
- Expositions personnelles :
2002 : S.M.A.K., Gand.
Musée de La Haye.
Studio A, Cuxhaven.
2001 : « Bernard Frize, nouvelles peintures »,
galerie Wilma Lock, Saint-Gall.
- Le Prix Marcel Duchamp est le résultat de l’engagement de collectionneurs d’art contemporain réunis au sein de l’Adiaf (Association pour la Diffusion internationale de l’Art français) et mobilisés depuis plusieurs années pour soutenir les artistes résidant en France et promouvoir leurs travaux sur la scène mondiale. En 2001, la première édition de ce prix a distingué Thomas Hirschhorn dont une création originale a été exposée pendant deux mois au Centre Pompidou (partenaire du prix). Tous les modes d’expression des arts plastiques et visuels sont concernés du moment que l’artiste réside en France. La liste des nominés est établie par les collectionneurs membres de l’Adiaf. Le jury international chargé de choisir le lauréat réunit des experts – conservateurs, critiques, collectionneurs – français et étrangers. Une dotation de 35 000 euros est attribuée au lauréat, qui bénéficie d’une exposition de deux mois au Centre Pompidou.
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Prix Marcel Duchamp : les nominés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°535 du 1 avril 2002, avec le titre suivant : Prix Marcel Duchamp : les nominés