Suisse - Art contemporain

Martigny (Suisse)

Portraits à la bave d’escargot

Fondation Pierre Gianadda – Jusqu’au 8 juin

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 358 mots

Art Contemporain -  Au centre de l’espace d’exposition, un portrait monumental d’un homme, George Dyer, filant à bicyclette. Trop vite. Face à lui, un autoportrait de Francis Bacon (1909-1992), surmonté de ces mots de l’artiste : « J’ai fait beaucoup d’autoportraits, parce qu’autour de moi les gens sont morts comme des mouches, et qu’il ne me restait plus personne à peindre que moi. »

George Dyer, son amant, est mort un an avant cet autoportrait où l’un des plus grands peintres du XXe siècle s’est représenté assis sur une chaise, seul, au milieu d’une pièce. Il porte une Rolex en or, volée et offerte par George Dyer le jour de leur rencontre. Dans le parcours chronologique de cette exposition de portraits de Bacon, présentée à la Fondation Pierre Gianadda en collaboration avec la National Portrait Gallery de Londres, on découvre ainsi cet inconsolé entouré de ceux qu’il a aimés et peints. L’un des chefs-d’œuvre du parcours est un triptyque des derniers instants de George Dyer, mort dans sa chambre d’hôtel, seul, la veille de l’inauguration de la grande rétrospective de Bacon au Grand Palais en 1972. « J’aimerais bien que mes tableaux donnent l’impression qu’un humain est passé entre eux, comme un escargot, laissant la trace de la présence humaine et la mémoire du passé comme l’escargot laisse un sillon de bave », a confié l’artiste. C’est en suivant ce sillon de bave d’escargot que l’on chemine à travers cette très belle sélection d’une trentaine de portraits accompagnés par des photographies de l’artiste. Des réinterprétations de Velázquez, Rembrandt et Van Gogh aux portraits posthumes de ses amants disparus ou inspirés de ses amis, se révèle l’inquiétude de celui qui intitule ses toiles « études » parce qu’il croit n’avoir « jamais réussi » et espère « toujours que quelque chose va arriver », comme il le confie dans un très beau film présenté en sous-sol. Ce parcours efficace et vibrant s’achève sur un autoportrait à peine ébauché, trouvé sur un chevalet dans l’atelier de l’artiste après sa mort. Au milieu de la toile, son visage, qui pourrait aussi bien être celui de Dyer. Tout autour, des traits qui pourraient être tracés par un enfant. Ou le sillon de bave d’un escargot.

« Francis Bacon. Présence humaine »,
Fondation Pierre Gianadda, rue du Forum, 59, Martigny (Suisse), www.gianadda.ch

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Portraits à la bave d’escargot

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