Pop art classique en révision

Le Whitney Museum de New York se colle à ce difficile exercice en prenant par le revers le mouvement chéri de l’Amérique. Du « Pop sinistre », voilà ce que promet le titre. Et, surtout, autour des habituelles « têtes de gondole » que sont les œuvres d’Andy Warhol, Roy Lichtenstein, James Rosenquist, Claes Oldenburg et consorts, la sélection élargit considérablement le spectre de ce que l’on comprend dans le pop. Ainsi, un large contingent de photographes rassemble Weegee (là, on se demande tout de même pourquoi), mais aussi Lee Friedlander, Joel Meyerowitz ou encore William Eggleston.

Côté art, la scène californienne s’ajoute à celle de Chicago pour compléter l’habituelle vision new-yorkaise. Ce que montre surtout l’exposition, c’est le paysage culturel du pop art, contrechamp moins uniforme que l’histoire de l’art se plaît souvent à le résumer. Entre émancipation féminine, mouvement antimilitariste, pulsions morbides, standardisation déprimante, le pop dévoile un visage plus sceptique que la vision ébahie des années 1960. Comme si la série télévisée Mad Men avait contaminé les salles : à la fois délicieusement pop et complètement amère avec un sérieux fond dépressif. Le parcours se plaît d’ailleurs à exposer des scènes de crime, à exalter les codes du voyeurisme, du film noir : la violence fait le lit du pop. Moins facile et léger qu’il n’y paraît, cette face sombre à la séduction vénéneuse est décidément très alléchante.