Le photographe sud-africain Mikhael Subotzky explique avec l'artiste Patrick Waterhouse leur projet à Ponte City.
Paris - Les utopies architecturales racontent beaucoup de leur époque et de l’endroit où elles naissent et se développent. Ponte City n’y échappe pas. Lorsqu’en 1976 débutent les émeutes de Soweto, cette tour cylindrique haute de 54 étages qui s’élève dans le ciel de Johannesburg (Afrique du Sud), est la plus haute de la ville. Elle symbolise le rêve de modernité architecturale et de bien-être des blancs sud-africains jusqu’à ce que la fin de l’apartheid puis l’avènement de la démocratie, dix-huit ans plus tard, ne voient leur départ progressif pour des quartiers jugés plus sécurisants. L’image de Ponte City, désormais refuge d’immigrés du continent subsaharien et de Sud-Africains déshérités, bascule alors et se délite au fur et à mesure de sa décrépitude physique et des histoires de trafic de drogues, de prostitutions et de délinquances que l’on raconte sur elle.
En 2007, son rachat par des promoteurs laisse entrevoir un autre rêve, porteur celui-là d’un idéal de civilisation qui verrait cohabiter les différentes communautés sud-africaines. La crise financière de 2008 aura raison du chantier de rénovation resté inachevé.
Projection des aspirations et des failles d’une société
Quand cette même année Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse arpentent Ponte City, la tour est une ville en soi, abandonnée et à moitié habitée. Pendant six ans, tout en rassemblant les archives relatives à la construction de la tour et les documents oubliés sur place par ses anciens locataires (photos, lettres, courriers administratifs, cahiers d’écolier…), le photographe sud-africain et l’artiste britannique vont photographier selon un protocole précis ses habitants, leurs appartements, fenêtres, portes et points de vue sur la ville ou sur l’intérieur de la tour cylindrique. Le fil conducteur de leur récit est précis : « montrer Ponte City comme une métaphore de Johannesburg et de la société sud-africaine », explique Mikhael Subotzky. Leur travail aujourd’hui achevé fait l’objet depuis deux ans d’expositions parcellaires en Afrique du Sud et ailleurs, en France notamment ; aux Rencontres d’Arles d’abord en 2011 où leurs auteurs ont reçu le prix Découverte, puis l’an dernier à la Maison Rouge, lors de l’exposition « My Joburg ».
Au Bal, c’est la globalité de leur démarche, de leur travail dans toutes ses dimensions qui se révèle pour la première fois dans une fluide et percutante installation. Pendant deux ans Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse avec Diane Dufour, directrice du BAL, y ont réfléchi ensemble pour présenter une mise en scène sur deux niveaux, qui plonge dans Ponte et dans les différentes utopies dont la cité a été porteuse pendant et après l’apartheid. Mis en dialogue et en tension, photographies, archives et récits projettent dès le début dans l’intimité de ce rêve architectural, porteur lui-même des aspirations de ses habitants et d’un pays, où la ségrégation par la couleur de la peau a conduit les architectes de Ponte City eux-mêmes à s’interroger sur l’endroit où loger les domestiques noirs et les immigrés, à imaginer une meilleure terre d’accueil, en Australie ou au Canada. Redoutables.
Commissaire : Diane Dufour
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Ponte City ou l’utopie architecturale sud africaine
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 avril, Le Bal, 6 impasse de La Défense, 75018 Paris, tel. 01 44 70 75 50, mercredi-vendredi 12h-20h, jeudi jusqu’à 22h, samedi 11h-20h, dimanche 11h-19h, www.le-bal.fr, « Ponte City, Mikhael Subotzky et Patrick Waterhouse », Éditions Steidl, 192 pages, 88 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Ponte City ou l’utopie architecturale sud africaine