Photographe nomade pendant de longues années, Pierre Verger a retiré de nombreux clichés de ses voyages. Installé au Brésil, il s’est cependant passionné pour l’Afrique.
Entre l’Afrique et l’Amérique, le cœur de Pierre Verger a toujours balancé. Né à Paris en 1902, dans une famille bourgeoise, Pierre Verger vécut au Nigeria et au Bénin et nous quitta à Bahia, sa terre d’adoption durant cinquante ans. Il y habitait une petite maison rouge, sans téléphone ni radio. Mais avant de « se poser », il a bien bourlingué, cet ami nomade de la bande à Prévert et des ethnologues du Trocadéro. Depuis 1932, Rolleiflex au cou, Verger allait « voir ailleurs », il capturait dans son viseur la chair des foules dansantes, l’agitation des ports au soleil lourd, les coutumes et les singularités des peuples… À Tahiti, il partage sa cabane avec des autochtones, au Vietnam, il fait du ski nautique avec l’empereur. Aux Philippines, il côtoie les « coupeurs de têtes », au Cambodge, il veut être moine bouddhiste. Au Brésil, il étudie le culte des orixas avant de rejoindre l’Afrique occidentale. En 1953, il y devient « devin » ou « babalaô », accédant ainsi aux traditions Yoruba. Dès lors, il dresse des ponts d’images entre les Africains et leurs descendants de Bahia.
Si bien que notre vadrouilleur est repéré. L’Institut français d’Afrique noire lui demande, en plus de ses deux mille négatifs, un récit détaillé. Du zoom à la plume, du reportage à la recherche, il ne quittera plus cette dernière, sa passion. Ethnologiques, ses photos le sont, mais elles révèlent aussi un don certain pour la composition, un œil vif pour la beauté et la lumière qui irradie les êtres. « Photographier, c’est me fabriquer des souvenirs », disait-il.
Dix ans après sa mort et pour l’Année du Brésil, le Jeu de Paume lui rend hommage en une centaine de clichés (sa fondation en compte huit mille) exposés en trois parties (modernité du regard, Nordeste brésilien, ethnodocumentaire). Belle mais vaine tentative de cadrer cet épris de liberté qui, longtemps, rêva de mourir à quarante ans, avant d’être rattrapé par la rage du voyage.
« Pierre Verger, œuvre photographique, 1933-années 1950 », PARIS, Jeu de Paume, site Sully, hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine, IVe, tél. 01 47 03 12 50, 13 septembre-24 décembre. Conférence de Francesco Solari sur « le poète de l’image, révélateur de cultures », 17 novembre, 19 h, Maison des Amériques latines, tél. 01 53 63 13 40.
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Pierre Verger ou la rage du voyage
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°573 du 1 octobre 2005, avec le titre suivant : Pierre Verger ou la rage du voyage