Palaisschizo !

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 19 juin 2008 - 371 mots

Cet été le Palais de Tokyo frappe sculptural et spectaculaire.

En guise de ténébreuse entrée en matière, une nappe de gros son au timbre sépulcral. Fabien Giraud et Raphaël Siboni ont confié leur composition musicale à une intelligence artificielle. Le « tube maléfique » qu’elle cuisine en temps réel est piloté depuis trois cents masques de Dark Vador hissés sur pied en une sorte d’imagerie totalitaire prise en charge par l’industrie du divertissement. Ingénierie toujours, l’Italien Arcangelo Sassolino règle une sculpture au mécanisme déceptif violent et hypertendu. Un dispositif à compression projette des bouteilles de bière vide de plein fouet contre un mur, décomposant temps d’attente, temps de détonation et temps de l’exposition qui devrait voir naître au sol une colline de verre brisé.
À deux pas de là, Würsa l’éléphante rêvait de se tenir en équilibre sur sa trompe. Daniel Firman l’a fait. Résultat : un arrêt sur image chorégraphié et une allégorie sculpturale qui placent le pachyderme naturalisé à l’exact point de tension d’avant la chute. Reste à Jonathan Monk et à son admirable exercice stéréophonique à ménager l’autre temps de pause.
Un temps sérieusement historicisé et multiple, à commencer par l’investissement simultané du musée d’en face pour un quasi-doublement de l’exposition. À l’image de la reproduction du fameux Bigger Splash de David Hockney que Monk rejoue en supprimant les éclaboussures à la surface de la piscine. Version 1 au MAMVP : avant le plongeon. Version 2 au Palais de Tokyo : après le plongeon.
Puis fini de sourire. Temps de souffrir. On accède au « chalet » de Christoph Büchel en rampant dans un cylindre de tôle ondulée englouti sous une masse spectaculaire de déchets. Au bout du tube, un dédale suffocant de petites pièces sur deux étages. Pas de doute, on y vit. Ampoules tremblantes, encombrement maximal d’objets et détritus, couvertures, seringues, cuvettes salles, odeur âcre, le piège se parcourt voûté avec un copieux sentiment de panique en forme de violente piqûre de rappel. La cohabitation des cinq monographies pourrait d’ailleurs bien pencher du côté des forces chaotiques. Ça n’est pas notre monde, mais à force, ça pourrait bien y ressembler.

« Superdome », 13, avenue du Président Wilson, Palais de Tokyo, Paris, www.palaisdetokyo.com, jusqu’au 24 août.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°604 du 1 juillet 2008, avec le titre suivant : Palaisschizo !

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