Art contemporain

Olivier Masmonteil, la peinture, partenaire particulière

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 7 septembre 2022 - 672 mots

L’artiste donne à voir à la Fondation Fernet-Branca un large spectre de son travail, marqué par une relation singulière avec la peinture et l’histoire de l’art.

Saint-Louis (Alsace). Olivier Masmonteil (né en 1973) fait partie de ces artistes qui parlent extrêmement bien de leur travail, pour lequel tout est minutieusement pensé, analysé, formulé et orchestré comme une partie de pêche à la mouche – qui est l’autre passion de l’artiste – « dont le geste, à la fois savant et intuitif, s’apparente à la calligraphie », affirme-t-il. Il a souvent répété qu’il aimait peindre différentes séries de tableaux en même temps, qui se questionnent et se nourrissent entre elles, de façon « à encercler la peinture pour mieux l’assaillir et la comprendre ».

De toute évidence, la simultanéité est également le parti qu’il a choisi pour cette exposition, la plus importante à ce jour (53 œuvres sur 750 m2) en investissant les cinq grandes salles qui lui sont consacrées à la Fondation Fernet-Branca : il a en effet accroché dans chacune d’elles plusieurs toiles des différentes séries qu’il peint depuis une vingtaine d’années, complétées par quelques œuvres nouvelles. Presque une rétrospective, mais sans la chronologie.

Peintre en série

On retrouve la série « Les horizons », caractérisée par des ciels dans la partie supérieure du tableau interrompus, dans la partie inférieure, par des lignes d’horizon très colorées, parfois presque fluo, pour juxtaposer la figuration et l’abstraction ; « Les baigneuses », avec les thèmes de la toilette, du peintre voyeur, d’Actéon ; « Les papillons » à la fois idée de la métamorphose, clin d’œil à la vanité, à la nature morte et métaphore de la palette ; « Les paysages effacés », dont les tons passés et pastels évoquent la nostalgie des anciennes cartes postales que Masmonteil collectionnait enfant ; enfin « La mémoire de la peinture », véritable reprise de grands maîtres comme Pierre Paul Rubens, Rembrandt, François Boucher ou Johannes Vermeer avec La Jeune Fille à la perle. Autant de copies que Masmonteil recouvre de motifs ornementaux, de moucharabiehs, de la même manière qu’il met des voiles sur les nus pour mettre la référence à distance, jouer sur les strates, sur le principe du palimpseste, sur l’image du filtre et de la grille. Une manière de rappeler que la peinture « c’est recouvrir pour mieux dévoiler » indique l’artiste qui se souvient à quel point Gerhard Richter et Gérard Gasiorowski ont été importants pour lui, surtout le second « qui [l’] a beaucoup marqué dans sa façon d’approcher la peinture ».

L’histoire de la peinture pour sujet

On l’aura compris, tous ces thèmes ne sont que des rideaux ou des voiles pour ne masquer qu’à demi le vrai sujet de Masmonteil : la peinture et son histoire, comme en témoigne aussi bien son travail avec la couleur, le trait, la ligne, la grille, l’aplat, la matière qu’avec les références à des thématiques (nature morte, portrait, paysage, nu, scène historique et mythologique) et à d’autres peintres (Nicolas Poussin, Jean Auguste Dominique Ingres, le Lorrain, outre les précités). Masmonteil navigue et tire des bords de l’un à l’autre, tel un poisson dans l’eau (la pêche toujours…), avec un beau savoir-faire et un « métier de peindre », dans le sens du livre Le Métier de vivre de Cesare Pavese, puisqu’il s’agit toujours ici d’une peinture vécue, nourrie de plusieurs voyages autour du monde, comme de la fréquentation assidue du Musée du Louvre (extérieur-intérieur, nature-culture, géographie- histoire).

C’est d’ailleurs en y découvrant L’Entrée d’Alexandre dans Babylone de Charles Le Brun que Masmonteil a eu envie de s’y confronter et de le réinterpréter à sa manière. Il en a fait un immense triptyque au fond ocre rouge, véritable claque de peinture présentée ici dans la dernière salle et sur lequel il a travaillé cinq ans. Le projet lui a donné l’idée de recréer un atelier avec des assistants qu’il rémunère (Le Brun en avait 250) pour se plonger plus encore dans l’histoire de la peinture. « Peinture, la fausse ingénue » selon le titre de l’exposition pour suggérer qu’« elle est une partenaire, mais plus on croit la connaître, plus on découvre qu’elle est extrêmement complexe ».

Olivier Masmonteil. Peinture, la fausse ingénue,
jusqu’au 2 octobre, à la Fondation Fernet-Branca, 2, rue du Ballon, 68300 Saint-Louis.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°594 du 9 septembre 2022, avec le titre suivant : Olivier Masmonteil, la peinture, partenaire particulière

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