Pour réaliser des objets énigmatiques et poétiques présentés à Micro Onde, le jeune artiste détourne des techniques du monde industriel.
VÉLIZY-VILLACOUBLAY - À pas feutrés. C’est ainsi que l’on entre dans la grande salle du Centre d’art contemporain de l’Onde investi par le jeune artiste français Nicolas Momein (né en 1980). Non pour se faire oublier, mais car l’acoustique de la pièce est différente. Les bruits sont absorbés comme lorsqu’on marche dans la neige. Pourtant, le sol, de même que les murs, n’ont subi aucune transformation. Mais l’artiste a installé de grands volumes recouverts de laine de roche (un de ses matériaux de prédilection, habituellement utilisé à l’intérieur des parkings) dessinant un dédale dans lequel le visiteur est invité à déambuler comme dans un paysage de ruines. Ces volumes énigmatiques semblent être là, ancrés dans le sol, depuis l’éternité.
Un dédale duveteux
Sculpture ou architecture ? Difficile de trancher même si l’échelle est plus grande que dans les autres versions de ces édicules. Mais ce qui est certain, c’est que cet artiste qui « regarde en général beaucoup le mobilier urbain et notamment les abribus » a conçu cette fois cette installation en fonction de l’architecture des lieux. Il a dessiné ses modules après avoir visité et expérimenté l’espace « compliqué » de l’Onde et non in abstracto. En s’appuyant sur un poteau de l’espace, il a notamment imaginé une sorte de préau qui joue avec la baie vitrée de la salle. Plus loin, un autre volume évoque un fauteuil, un autre encore une bitte d’amarrage géante. On imagine aussi des abris offerts au visiteur, tenté de se lover dans des creux qui semblent avoir été ménagés pour lui.
La question du corps est omniprésente chez Nicolas Momein. L’artiste ne l’envisage pas seulement comme étalon, mais comme machine sensorielle. La laine de roche projetée sur les volumes suscite des sensations contradictoires qui mêlent attraction et méfiance, douceur et rugosité, sans que jamais rien ne soit révélé sur la structure et la production de ces édicules. Ce mystère est constitutif du travail de l’artiste.
Expérience sensorielle
La réalisation des « Édicules lainés » a nécessité l’intervention d’artisans qui ont projeté la laine de roche. Mais cette délégation du savoir-faire qui a marqué l’art conceptuel, n’essaie pas tant de mettre en péril le marché de l’art et ses logiques spéculatives que de produire autrement et d’interroger l’acte créatif. Nicolas Momein repère des techniques et des gestes appartenant au monde industriel et les détourne au service de sa production artistique, faisant perdre aux objets créés toute dimension fonctionnelle. C’est ainsi qu’il a réalisé ses récentes séries que sont les « Impressions au noir » et les « Métallisations » dont certains exemplaires sont ici exposés. Dans le premier cas, il a détourné des photos prises au microscope par un ingénieur pour les imprimer sur des plaques d’acier, donnant naissance à des images fantomatiques. Dans le second, il s’est associé à une entreprise de sablage pour créer, grâce à différents alliages de métaux, des monochromes aux couleurs délicates.
Un peu à l’image de la vidéo tournée dans une cabine de sablage qui clôt le parcours et dans laquelle la pellicule se trouve progressivement recouverte de poussière, les objets de Momein nous échappent. Ils sont porteurs d’un secret de fabrication qui en fait toute leur puissance.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Nicolas Momein brouille les frontières
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 26 mars à Micro Onde, Centre d’art contemporain, 8 bis avenue Louis Breguet 78140 Vélizy-Villacoublay, mardi-vendredi 13h-18h30 et samedi 10h-16h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°452 du 4 mars 2016, avec le titre suivant : Nicolas Momein brouille les frontières