Avec une étape bellifontaine plus resserrée, l’exposition événement « Napoléon » venue de Montréal illustre la passion des Américains pour l’empereur français et les fastes de la vie de cour.
Fontainebleau.« Exceptionnel », « inouï »,« historique » : les adjectifs utilisés par Christophe Beyeler, conservateur en chef du patrimoine au château de Fontainebleau chargé du Musée Napoléon Ier, expriment la satisfaction de ce professionnel érudit devant la nouvelle exposition du château. « La Maison de l’Empereur. Servir et magnifier Napoléon Ier » est la dernière étape d’une exposition entreprise en 2018 par le Musée des beaux-arts de Montréal. « Il s’agissait de rendre hommage à la donation en 2008 de la collection de Ben Weider », explique Sylvain Cordier, conservateur des arts décoratifs anciens au Musée de Montréal, en charge de la galerie napoléonienne-collection Ben Weider et commissaire de l’exposition. Pour marquer les dix ans de cette donation, Montréal a imaginé une exposition grand public, fruit des recherches sur les collections nord-américaines lancées à l’ouverture de la galerie napoléonienne du musée, en 2008. « Pour le public américain, le propos et la liste d’œuvres étaient très larges, pour faire connaître une histoire et une logique de cour » peu connues des visiteurs outre-Atlantique, précise le conservateur. « À Fontainebleau, on est dans le dernier lieu impérial. Ici, pas besoin de reconstituer une salle du trône, l’authentique est là »,à quelques mètres de la salle de la Belle Cheminée, où se tient l’exposition. De fait, l’exposition semble avoir été pensée comme une introduction à la visite des lieux de la cour impériale dans les résidences choisies et occupées par l’Empereur.
Surtout, le parcours présente des œuvres de collections américaines, publiques comme privées. Si Christophe Beyeler se réjouit autant, c’est que le corpus réuni est inédit en France depuis la dissolution de la Maison de l’Empereur en 1814.
Ainsi du « guéridon des palais impériaux » [voir illustration], commande exceptionnelle passée par la Maison de l’Empereur à la Manufacture de Sèvres en 1811 et inachevée à la chute de celui-ci. Son iconographie modifiée pour convenir aux exigences du comte d’Artois, futur Charles X, la table est renommée « des résidences royales » et livrée en 1817. Offerte aux Bourbons-Sicile au XIXe siècle, passée dans la famille Getty, elle est aujourd’hui conservée en collection particulière à New York. Seules quatre tables de porcelaine subsistent des six produites par Sèvres : l’une d’entre elles, le « guéridon des saisons », est exposée à quelques pas, dans une salle du château bellifontain.
La section consacrée aux étrennes et cadeaux impériaux est tout aussi exemplaire du corpus rassemblé des deux côtés de l’Atlantique. Venue du Musée de Kansas City, une imposante pendule surmontée d’une colonne d’un mètre trente, offerte par l’impératrice Marie-Louise à la maréchale Ney illustre le luxe et l’habilité de l’horlogerie française, en même temps que la générosité de l’Empire envers ses fidèles serviteurs. Services et cabarets de porcelaine révèlent la richesse de la cour impériale : récemment acquis par le musée de Montréal, le service à thé du Cardinal Fesch de 1812 côtoie un autre, inspiré de La Fontaine, « Paysages et Fables », venu de Minneapolis. Ils trouvent en écho les précieuses porcelaines impériales de Fontainebleau.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°526 du 21 juin 2019, avec le titre suivant : Napoléon, de retour d’amérique