Giorgio Morandi : de cet artiste du silence, le public connaît presque exclusivement les petites natures mortes de fioles et de coupes dans les tons bruns, peintes en série ininterrompue.
Dans le nord de Londres, la collection d’art moderne italien Estorick propose un aperçu sur un épisode premier de sa carrière, durant laquelle, à partir des années 1910, il s’est concentré sur le dessin, la gravure et l’aquarelle. L’essentiel de son œuvre gravé est ici présent.
Déjà, son crayon est tellement évaporé que la ligne semble se diffuser. Ramassant les objets du quotidien, des bols ou des vases, mais aussi des maisons ou des peupliers, son art s’organise peu à peu autour de l’absence. Le peintre lui-même semble émerger des manques du dessinateur. On comprend qu’il ait vite abandonné le portrait tant ses tentatives sont maladroites. Ses chemins et ses usines sont d’une vacuité presque désolante. À coups de hachures, il essaie laborieusement de retrouver le clair-obscur qui modèlerait la forme des coquillages. Il tente de percer la sensualité de la fleur. Il réduit encore davantage ses moyens, comme s’il faisait le vide autour de lui, jusqu’à des aquarelles évanescentes de la fin des années cinquante.
Par son titre même, l’exposition entend souligner la poésie musicale qui s’élève de ces lignes estompées. Elle n’oublie pas cependant le vacarme ambiant, dans lequel Morandi semble évoluer comme un fantôme. La proximité qu’il a recherchée avec les futuristes ou les cubistes apparaît sur un ton assourdi. C’est surtout Cézanne qui prend son regard.
L’exposition en revanche ne fait rien pour contredire l’image dans laquelle baigne l’artiste. Il n’est pas – ou pas seulement – ce personnage bergmanien qui aurait vécu à l’écart du monde avec sa mère et ses sœurs dans l’appartement de Bologne. Il s’est engagé. Pendant plus de vingt ans, il a tenu la chaire de gravure de l’académie de sa ville. Il fut un adhérent de la première heure du fascisme. Après la guerre, il a étroitement contrôlé son marché et les écrits à son sujet. Ce retour sur l’illusion reste à écrire.
« Giorgio Morandi, Lines of Poetry »,
Estorick Collection, 39a Canonbury Square, Londres (Grande-Bretagne),
www.estorickcollection.com
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Morandi graveur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°655 du 1 mars 2013, avec le titre suivant : Morandi graveur