TOULOUSE
À travers le seul prisme d’une ville, s’expose aux Abattoirs toute l’histoire colombienne du XXe siècle, faite de violences et de traumas.
L’intelligence de l’exposition « Medellín, une histoire colombienne », présentée aux Abattoirs, est d’éviter le piège qui consiste à réduire aux seuls documents un sujet hautement politique et sociologique. Non pas que les informations sur le contexte soient absentes. Les deux premières salles délivrent des renseignements utiles sur l’histoire de la Colombie et les différentes violences que connaît ce pays depuis plus d’un demi-siècle. De même, à la fin du parcours, des vidéos amateurs racontent les espoirs suscités par la signature de l’accord de paix avec les Farc. Toutefois, l’ensemble du parcours est centré autour des sévices subis au cours du XXe siècle et qui ont laissé des traces profondes. Violences dont la ville de Medellín reste l’emblème, pour être le « siège » du plus célèbre trafiquant de cocaïne, Pablo Escobar, mais aussi le lieu de naissance de l’artiste colombien le plus connu, Fernando Botero. D’ailleurs, les œuvres à Toulouse sont issues des collections du musée d’Antioquia qui se trouve dans ladite ville. D’emblée, le visiteur est frappé : malgré la diversité des techniques, dessin, peinture, photographie, vidéo, assemblage, installation…, tous les travaux partagent la même obsession, voire le même trauma. De fait, la quasi-totalité des 46 créateurs s’interrogent sur la manière la plus pertinente de traiter la mémoire du conflit qui a déchiré la Colombie. Les propositions varient du plus matériel au plus conceptuel, du plus explicite au plus suggéré. Ainsi, Natalia Castaneda forme un petit « ruisseau » à partir de morceaux de céramique et de pierres colorées, auxquels elle intègre des fragments d’os humains, un rappel brutal des personnes disparues dont les corps gisent au fond des fleuves (Pierres errantes, 2014). Ailleurs, Libia Posada met en scène des sujets qui se déplacent sur un échiquier géant et deviennent synonymes de l’errance imposée par des événements d’ordre économique ou politique. L’artiste dessine sur les jambes de femmes dont on ne voit pas le visage le trajet qu’elles ont dû parcourir pour fuir la violence (Points cardinaux, 2010).
Plus loin, c’est une vision critique des véritables causes de la dépendance colombienne au narcotrafic avec l’inscription de Miguel Angel Rojas, New York et Medellín, réalisée à l’aide de feuilles de coca et de billets de dollars. Cependant, malgré la souffrance qui se dégage de toutes ces œuvres, se perçoit le besoin de retrouver une forme non pas d’oubli mais de réconciliation. Cela se fera avec la figure humaine qui se cache sous différents camouflages menaçants. Les personnages choisis par Federico Rios sont photographiés une fois en tenue militaire et une autre fois en tant que civil tandis que la vidéo de Fernando Arias montre les soldats tout simplement déshabillés. Cette mise à nu indispensable sera-t-elle suffisante pour garder en vie un processus fragile de reconnaissance réciproque ? Rien n’est moins certain, mais si l’art n’a pas les moyens de se substituer à la politique, il peut au moins faire naître un espoir.
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Mémoire blessée à Medellin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : Mémoire blessée à MedellÁn