Qu’on se le dise tout net, difficile de penser quoi que ce soit de cette cinquième biennale de Berlin.
Les expositions font si peu corps entre elles, les œuvres dialoguent si rarement ensemble que bien malin celui qui pourra raconter cette biennale. Le titre qu’on pourrait traduire par « Lorsque les choses ne jettent aucune ombre », déjà peu éclairant, n’est pas secouru par le propos des commissaires Adam Szymczyk et Elena Filipovic.
Partant de l’empreinte historique des quatre lieux choisis pour accueillir les expositions du Kunst-Werke (KW, lire L’œil n° 600), ancienne fabrique de margarine reconvertie en centre d’art postindustriel, à la Neue Nationalgalerie, joyau de Mies van der Rohe construit à l’Ouest en 1968, d’un terrain vague au pavillon Schinkel, gâteau architectural est-allemand, on se perd en conjectures. Bien sûr l’empreinte historique de Berlin est difficile à occulter, alors autant en jouer. Mais cela ne suffit pas à cimenter les propositions de la cinquantaine d’artistes invités à produire pour l’occasion de nouvelles œuvres.
L’ensemble de la Neue Nationalgalerie est encore celui qui fonctionne le mieux (ou le moins mal), et l’on y retiendra la proposition de Gabriel Kuri d’une sculpture minimale et moderniste en métal convertie… en vestiaire ! Ici l’abstraction est mise à l’épreuve de l’usage avec une belle puissance esthétique. Autre bel effort au même endroit, le geste presque absurde du sauvetage poétique de Cyprien Gaillard qui a prélevé dans le quartier Beaugrenelle à Paris (en pleine restructuration) une sculpture d’oiseau, classique de l’art public des années 1970. Le Canard de Beaugrenelle souligne avec simplicité la faillite des grandes planifications urbaines, jouant sur le registre postmoderne du site et du non-site dans l’endroit rêvé de l’esplanade du bâtiment colossal. Mais pour qui ne connaît pas ces sites, difficile d’emprunter les ponts conceptuels.
Au KW, il n’est pas plus aisé de lire les histoires et les références. Klaus Nomi et Peter Berlin et une plongée dans le Berlin underground et gay pour Lili Reynaud-Dewar, il faut être calé, mais heureusement la séduction des formes relaie ce sens aigu de l’allusion. Ce qui est loin d’être le cas du reste du parcours, elliptique au point de laisser insensible le visiteur. Pas même de gros énervements après de telles visites, mais une furieuse envie de voir autre chose.
« When Things Cast no Shadows », 5e biennale de Berlin, www.berlinbiennale.de, jusqu’au 15 juin 2008.
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Mauvaise pioche à la biennale de Berlin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°603 du 1 juin 2008, avec le titre suivant : Mauvaise pioche à la biennale de Berlin