Matières à penser

Le titre de la nouvelle exposition fait référence à un hameau situé entre la France et la Belgique, qui fut, autrefois, un lieu de contrebande. Les trente-huit artistes sélectionnés « abordent des situations frontalières où coexistent différentes perspectives », explique Dirk Snauwaert, directeur du Wiels et commissaire. À l’heure de l’explosion des nouvelles technologies qui s’accompagne d’une traduction algorithmique de nos divers affects et émotions et d’une montée en puissance de la pensée unique, « nous voulons explorer les questions d’imprévisible, de risque, de transgression ». L’exposition s’ouvre avec deux grands rideaux conçus par Kati Heck, qui revisite dans des couleurs joyeuses et acidulées un certain esprit subversif de l’expressionnisme allemand. Puis le parcours se déploie sur les quatre plateaux du Wiels, divisés en trois chapitres : « Histoire de contrebande », « Langage hybride » et « Syncrétisme ». Chaque artiste bénéficie d’un espace généreux dans lequel il peut déployer une ou plusieurs de ses œuvres. On retrouve des historiques belges comme Jef Geys ou Joëlle Tuerlinckx, ou encore Philippe Van Snick, qui fut un peu oublié en chemin par les institutions, et des artistes très établis comme Isaac Julien (qui présente un beau film méditatif sur l’architecture brutaliste de Lina Bo Bardi). La jeune, voire très jeune, création est également à l’honneur, faisant de l’exposition un lieu de réflexion mais aussi de découverte. On découvre notamment l’œuvre magnifique de Melike Kara sur la place tragique du peuple kurde dans l’histoire officielle de la Turquie… et le délicat travail de Lise Duclaux sur nos écosystèmes. De jeunes figures montantes de la scène française comme Julien Creuzet, qui poursuit sa quête des origines, ou Neïl Beloufa, sont également de la partie. Dense et généreuse, cette proposition du Wiels mérite sans aucun doute le voyage.