« Je suis venu relativement tardivement au travail de Marcel Duchamp. Les passions que l’étude de son œuvre engendre auraient probablement nui à mes années d’apprentissage. Il y a des artistes à mettre hors-jeu si l’on veut soi-même commencer quelque chose. Marcel Duchamp est de ceux qu’il faut savoir mettre à l’écart de temps en temps. Duchamp a su poser les conditions de sa postérité. Il a conçu sa vie en une succession de ruptures et de mystères qui lui ont permis d’obtenir, pour longtemps, la reconnaissance des artistes et le mépris des esprits conservateurs. Comme il n’a jamais vraiment fini ce qu’il a commencé, il donne probablement à chacun le sentiment d’être invité à imaginer un prolongement à cet état. Il a aussi laissé penser qu’il mettait en place une machinerie dont la fabrication des engrenages était le projet d’une vie. Nombreux pensent alors qu’ils pourraient se gratifier de remonter ce puzzle dont le but n’était autre que de maintenir un intérêt à y participer.
Et puis, il a eu cette intuition : la première rencontre avec une œuvre d’art manufacturée serait pour tout un chacun le moment d’un doute, un véritable choc, et cela tant que la catégorisation classique des beaux-arts resterait opérationnelle. Le ready-made a l’efficacité du chef-d’œuvre, il y a un « avant » et un « après ». Pourtant, la facilité du geste s’oppose à la complexité de la cohérence de l’œuvre. Cent ans après le premier ready-made, le ready-made est loin d’être entré dans les pratiques des cours du soir – Je m’amuse à l’idée d’un salon du ready-made amateur. Ce sont des idoles perdues dont les mauvais documents et les copies tardives accentuent le mythe. »
Né en 1970, Mathieu Mercier a reçu le Prix Marcel Duchamp de l’Adiaf en 2003, dont il a d’ailleurs investi sa récompense dans l’acquisition de Cœurs volants (1936-1961), un multiple duchampien, avant de signer en 2010, avec Bernard Marcadé, une exposition sur les ready-made au BHV. Il travaille actuellement à la publication d’un fac-similé quasi à l’échelle 1 de la Boîte en valise.
www.mathieumercier.com
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Mathieu Mercier : « Je m’amuse à l’idée d’un salon du ready-made »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Mathieu Mercier : « Je m’amuse à l’idée d’un salon du ready-made »