Markus Raetz, l’art du bon mot

L’horizon ouvert sur la plaine du lac Léman et les sommets alpins, cet ensemble à l’architecture étonnante accueille des écrivains en résidence et dispose d’une somptueuse bibliothèque riche de 80 000 ouvrages. C’est l’artiste bernois récemment disparu (1941-2020) qui fait l’objet de l’exposition actuelle autour du langage, « l’un des trois cœurs » de son œuvre. Et ce lieu confidentiel sied à son univers créatif sensible, fin et discret. Les mots, Raetz en avait fait le ciment de son art visuel, jouant avec les idiomes, les homophonies et les homonymies, les palindromes ; les lettres de l’alphabet tout court furent l’un de ses matériaux de travail privilégiés. Savoureuse est l’étude de ses dessins et carnets de croquis exposés qui relatent le chemin de la pensée à l’œuvre d’art. Et, pourtant, loin d’un art conceptuel cérébral et trop sérieux, il y a constamment de la facétie et de la poésie dans les installations et les gravures de Raetz. Il y a aussi comme de la magie quand, domptant le métal, l’artiste peut ainsi faire lire au spectateur, selon la position qu’il occupe, tout et son contraire : un « oui » ou un « non », un « todo » ou un « nada », ou, ailleurs, transfigurer un « ceci » en « cela » par la magie d’un miroir. Prestidigitateur ? L’artiste aurait certainement réfuté ce mot, lui pour qui « le mouvement propre à chacun est important. À qui regarde, je donne de la responsabilité – de la marge de manœuvre, voire une aire de jeu ».