Le Reina-Sofía accueille, dans le palais de Vélasquez, une rétrospective de l’artiste espagnol.
Madrid. Consacrée au peintre Manolo Quejido (né en 1946 à Séville), la rétrospective du Musée Reina-Sofía, sous le commissariat de Beatriz Velázquez, qui collabore avec l’artiste depuis deux décennies, est une réussite. Intitulée « Distancia sin medida » (Distance sans mesure), elle revient sur soixante ans de carrière en présentant une centaine de ses toiles. Le palais de Vélasquez, baigné de lumière, est un lieu idéal pour mettre en valeur ses peintures aux couleurs vives et de grande dimension, qui se détachent sur les hauts murs blancs de l’édifice. L’exposition s’ouvre magistralement avec trois séries d’œuvres de grand format, issues de différentes périodes : les « Reflections » (1984-1985), les « Partitions » (années 1990) et les « Moebius » (2003-2005).
Manolo Quejido arrive à Madrid en 1964. Ses explorations avant-gardistes lui valent d’être associé à la nouvelle figuration madrilène émergeant dans les années 1970. Sans mots (1977, [voir ill.]) illustre cette époque, montrant dans une scène entre jour et nuit la rencontre de deux créatures qui s’apparentent à des pantins aux vives couleurs et aux motifs tramés. L’artiste évoquait alors à propos de ses compositions l’inadéquation entre le monde, les mots et les images.
Le parcours souligne ensuite l’évolution de l’artiste vers une peinture proche, formellement, du pop art, inspirée par Andy Warhol et David Hockney, et du néo-expressionnisme. Quejido utilise toujours un langage très coloré, aux coups de pinceau vibrants. Maquinando (1980) attire l’attention avec ses couleurs acidulées, marquant la tendance la plus abstraite de son œuvre.
L’une des œuvres centrales de l’exposition est la monumentale Sans consommer (1997-1999), une grande composition critique de la société de consommation, que dénonce l’artiste depuis les années 1990. Celui-ci se servait alors d’étiquettes de supermarché, de coupures de journaux et de photographies de presse pour construire ses toiles.
Certaines des œuvres de Quejido reprennent la manière de peindre d’artistes historiques tels que Goya, Matisse et Picasso, auxquels l’artiste rend hommage dans la série des « Los Pensamientos negros » (1988-1989). Les fleurs représentées s’inspirent en effet de la touche de ces divers peintres, comme pour former un grand nuancier des possibilités de peindre.
Son œuvre se réfère aussi à la poésie, comme en témoigne La Peinture (2002), composition métaphorique qui met en avant une réflexion sur la peinture, avec la représentation d’un peintre peignant.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Manolo Quejido, nouveau figuratif