"Loin du monde", d’Allouard

Or, ici, ni souffle épique ni allégorie superlative, ni emphase ni affèterie. Éminemment synthétique, Loin du monde est une œuvre pour le moins mystérieuse et silencieuse, étrangère à toute virtuosité plastique et à toute séduction optique. La sculpture représente Héloïse, poétesse du XIIe siècle qui, pour avoir aimé son maître Abélard d’un amour peu courtois, entra dans les ordres afin d’endiguer le feu intérieur. Allouard ne figure pas une femme pleurant son amant émasculé, mais une abbesse austère et hiératique, tenant dans ses mains un livre de prières, métonymie d’un renoncement sans doute impossible. Le marbre bleuté, avec ses accords sourds et mats, rappelle combien les sculpteurs furent obsédés par la polychromie qui, redécouverte archéologiquement, permettait de subtiles combinaisons matiéristes et de savants effets de surface. D’une austérité feinte, cette sculpture singulière fut restaurée afin d’être déposée en 2017 par le Musée d’Orsay auprès du délicieux Musée Camille Claudel de Nogent-sur-Seine, où elle (re)trouve une place de choix.