Le Musée d’Orsay dévoile la collection des américains Marlene et Spencer Hays, présentée pour la première fois dans son intégralité au public.
PARIS - À Nashville (Tennessee), Marlene et Spencer Hays ont pour demeure la reconstitution à l’identique d’un hôtel particulier de la rue de Grenelle, à Paris. Sur les murs, des chefs-d’œuvre (bien authentiques cette fois !) de Vuillard, Bonnard, Degas ou encore Redon. Dans leur appartement new-yorkais, même effets causés par une collectionnite aiguë. Dernier trophée en date, la première version de Grimaces et misère : les saltimbanques (1887-1888) de Fernand Pelez, acquis chez Sotheby’s en 2011 – la version finale est au Petit Palais, à Paris. Pourtant, le couple a longtemps fait profil bas dans le cercle fermé des grands collectionneurs américains. Le milieu modeste dont ils sont tous deux issus, leur réussite foudroyante, à l’américaine, et leur discrétion naturelle pourraient y être pour quelque chose.
Amateurs devenus éclairés au gré des rencontres avec les conservateurs et les marchands, les Hays ont initié leur collection au début des années 1970, achetant ce que la bonne société de Nashville achetait : de l’art américain de la fin du XIXe siècle. À l’instinct, sans jamais faire appel à un conseiller personnel, le couple s’est rapidement tourné vers l’art français du dernier quart du XIXe siècle (mais pas d’impressionnisme), tout en multipliant les pistes vers le dessin. La rencontre avec Guy Cogeval, auteur du catalogue raisonné d’Édouard Vuillard, était d’autant plus inévitable que Spencer Hays place l’artiste au sommet de son panthéon personnel. Après une tentative vaine il y a cinq ans, le président d’Orsay convainc le couple d’exposer une grande partie de la collection à Paris. Conservatrice au musée, Isabelle Cahn s’est chargée de cataloguer les œuvres et de mettre en place l’accrochage qui souligne l’étonnante cohérence des acquisitions réalisées en premier lieu sur des critères esthétiques. L’humain, saisi dans ses activités quotidiennes, y tient une place essentielle. S’il trahit une image nostalgique et quelque peu naïve d’un Paris qui n’existe plus que dans les films de Vincent Minelli, l’œil Hays est redoutable. Les couturières d’Édouard Vuillard (1890), La Fleur rouge d’Odilon Redon (v. 1905) ou encore Femme s’épongeant le dos d’Edgar Degas, la plupart des œuvres allient sujet intime et composition ambitieuse.
Guy Cogeval ne cache pas son ambition de voir, en temps voulu, la collection Hays rejoindre celle du Musée d’Orsay. Son ministre de tutelle y a mis du sien en faisant Spencer Hays officier de l’ordre de la Légion d’honneur, lors de l’inauguration de l’exposition le 15 avril. Dans son discours, l’intéressé a fait savoir que le sort de ses trésors n’était pas encore scellé. Guy Cogeval devra ronger son frein. Seule consolation : des deux filles Hays, une seule s’intéresse à l’art… contemporain.
Commissariat général : Guy Cogeval, président des Musées d’Orsay et de l’Orangerie ; Isabelle Cahn, conservateur en chef au Musée d’Orsay
Odilon Redon, La Fleur rouge, dit aussi Le Buisson rouge ,vers 1905, huile sur toile, 55 x 48 cm, collection Hays. - © Droits réservés.
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 18 août, Musée d’Orsay, 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris, tél. 01 40 49 48 14, www.musee-orsay.fr, tlj sauf mardi 9h30-18h, le jeudi 9h30-21h45. Catalogue, coédité par le musée et Skira Flammarion, 208 p., 40 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : L’œil du collectionneur