Paul Gauguin est cet artiste protéiforme à la fois peintre, sculpteur et graveur célébré par une exposition pléthorique du Grand Palais, organisée en collaboration avec l’Art Institute de Chicago où la précédente version a eu lieu.
Sa vision puise ses sources en de multiples lieux : la Bretagne, la Martinique, Arles, Tahiti et les îles Marquises, où il disparut en 1903. Gauguin exerce d’abord une activité d’agent de change, mais son intérêt pour la peinture ne cesse de croître.
En 1876, il expose pour la première fois au Salon et se met à collectionner les œuvres de ceux qu’il admire, Pissarro, Manet, Cézanne, Degas. Entre 1877 et 1880, il s’initie au modelage et à la sculpture. Pour sa première exposition impressionniste de 1879, il présentera l’unique sculpture de l’événement, un buste de son fils Emil. La grande toile Fleurs, nature morte présentée au salon de 1882 dans laquelle l’objet tient un rôle central préfigure la diversité des genres et des techniques dans son œuvre ultérieure. À la dernière exposition impressionniste de 1886, il expose pas moins de dix-neuf œuvres, mais il rêve d’un ailleurs « sauvage et primitif ».
Cet ailleurs, c’est la Bretagne, à Pont-Aven, où vit une colonie d’artistes. Il y fait plusieurs séjours à partir de 1886 et y passera une grande partie de son retour en France entre son premier et son second voyage à Tahiti. Si les premières toiles de femmes bretonnes portent encore l’empreinte des paysans peints par Pissarro, lorsque ces motifs sont transposés dans les travaux de céramique, un changement radical se produit. L’artiste façonne une série de pots, de vases aux formes insolites, souvent anthropomorphiques, qui s’écartent des conventions des arts appliqués pour tendre résolument vers la sculpture : Pot en buste de jeune fille n’est pas un pot mais une sculpture dont l’intérieur aurait été évidé.
Peinture, céramique, sculpture, gravure, les différents supports de création sont liés, comme en témoignent les carnets de croquis de l’artiste, émaillés de motifs communs à ces techniques, avec des allers-retours continuels, sans hiérarchie de matériaux et de moyens. Un parti pris que reprend la scénographie des salles où chaque médium répond aux autres ; au risque de brouiller la lisibilité de l’œuvre.
Cela dit, l’exposition montre la diversité et la complémentarité de l’art de Gauguin, qui se nourrit toujours d’une technique pour arriver à la suivante. Le travail de la céramique qui simplifie et cerne les formes l’a conduit au cloisonnisme, dont La Vision après le sermon – présentée à Chicago mais pas à Paris – est la première image accomplie. La peinture transcrit sur la toile les phénomènes non tangibles, faisant sienne l’une des composantes du symbolisme. Eh quoi ! Tu es jalouse ? recèle cette dimension psychologique qui rend compte du caractère inaccessible du paradis que Gauguin était venu chercher sous les tropiques.
Cette tendance au symbolisme, au philosophique, l’amène à réaliser pendant sa période marquisienne le tableau capital, D’où venons-nous, Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?, dont les réponses se lisent sur les panneaux de bois sauvagement sculptés de sa dernière demeure, La maison du jouir, œuvre totale, visible pour la toute première fois dans sa globalité. Si le tableau n’a pas fait le voyage depuis Boston où il est conservé, heureusement la maison est à Paris.
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L’irrésistible ailleurs de Paul Gauguin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°707 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : L’irrésistible ailleurs de Paul Gauguin