L’habit de Shonibare fait le moine

Ce batik travestit autant mannequins que personnages de ses mises en scène et films en costume. Dans Addio del Passato, une cantatrice noire chante un passage de Violetta de Verdi, livrant une version postcoloniale des codes de l’opéra et de la grande Histoire. Si les productions photographiques de Fake Death Pictures (2011) sont trop caricaturales, la deuxième partie de l’exposition s’avère, elle, plus stimulante. On y retrouve notamment un film de 2004, Un bal masqué, toujours inspiré de Verdi. Costumés suivant des modèles du XVIIIe siècle réalisés en batik africain, les danseurs coiffés d’une perruque et masqués s’affrontent dans une joute chorégraphiée qui exerce la boucle. La répétition d’une scène d’attentat prend une dimension performative fascinante, analysant l’histoire des genres à la loupe de l’histoire coloniale. Première monographie d’importance au Canada, l’exposition de Yinka Shonibare est une introduction aux grands axes de travail de l’artiste autour de la question de l’identité et des origines, des attentes institutionnelles envers un artiste d’origine africaine. Profondément cultivée, depuis l’histoire de l’art à celle du cinéma et de la littérature, l’approche de Shonibare forme une analyse critique posée qui n’emploie pas les codes binaires du justicier, préférant la subtilité d’une vision nuancée et refroidie. Mais non moins éloquente.