L’Espace Paul-Ricard sollicite pour la troisième année consécutive la jeune création, et récompense l’un des artistes invités par un prix, une œuvre achetée au lauréat pour une valeur de 60 000 francs. Conçue par le critique d’art Jean-Yves Jouannais, l’exposition « Lost in the supermarket » dont le titre évocateur est emprunté à un morceau du groupe rock Clash, réunit une dizaine d’artistes autour du thème du supermarché.
PARIS - À la fois vénéré et détesté, le supermarché, temple de la consommation, cristallise les maux de notre société. Pas étonnant, donc, que les artistes s’y intéressent se laissant subjuguer par cet univers factice aux allures de caverne d’Ali Baba, et regrettant dans le même temps cet abandon aux sirènes du capitalisme. Véronique Ellena incarne bien ce paradoxe dans une série de photographies réalisées dans les allées d’un supermarché lambda. Elle fait poser des membres de sa famille ou des amis dans les différents rayons “surgelés”, “jardinage”, ou “loisirs”. L’ambiguïté vient des personnages qui tiennent la pose : leurs attitudes sont hiératiques, presque solennelles, et pourtant les scènes apparaissent banales. Existe-t-il une vision archétypale du quotidien ? L’artiste pourrait bien le démontrer. Dans un registre plus ludique, Francesco Finizio tente d’entamer un dialogue avec les responsables des ressources humaines de plusieurs grandes surfaces. Sous des identités fictives, l’artiste propose ses services afin d’améliorer le fonctionnement général des supermarchés, dossiers et photos à l’appui. D’apparence naïve, ces requêtes démontent sans en avoir l’air les mécanismes de la grande distribution. Timothy Mason propose quant à lui un voyage initiatique au ras des étalages. Dans le film vidéo, Land of Plenty, il place une caméra au fond d’un Caddie et filme dans un long travelling en boucle les pérégrinations du consommateur moyen. Mais le supermarché est aussi un lieu de fantasme pour Jean-Baptiste Bruant qui se fait enfermer, la nuit, dans un grand magasin parisien et se livre à un étrange ballet. Puéril, il essaye tous les canapés et s’endort pendant quelques minutes dans les draps d’un lit en démonstration. Aventurier, il déambule dans les allées désertes une torche à la main balayant l’obscurité.
Entre la vision clinique et le fantasme, on aurait aimé que la sélection se fasse l’écho de voix plus critiques ou distanciées. Dans cet ordre d’idée, seule Tatiana Trouvé, par ailleurs lauréate du Prix Ricard, s’échappe de l’image persistante du supermarché pour mettre à jour par de petites installations modulaires la face cachée du consumérisme. “Les délimitations de la grande surface concernent avant tout l’optique de la surveillance. L’allègement architectural se fait ici au bénéfice du contrôle de l’espace : les portes, les murs et les fenêtres sont aisément remplacés par les barrières électroniques et le personnel employé. En rentrant, il suffit de se penser comme potentiellement observé pour agir comme un suspect. La musique, choisie pour se fondre avec les annonces, révèle son manque de surprise et allonge le temps nécessaire. Les allées indiquent qu’ont été prévues les possibilités de mon parcours. La décoration décline des miroirs qui facilitent le jeu de la perte de soi”, explique l’artiste.
- LOST IN THE SUPERMARKET, jusqu’au 30 octobre, Espace Paul-Ricard, galerie Royale 2-9 rue Royale, 75008 Paris, tél. 01 53 30 88 00, Catalogue 40 p.
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L’Espace Paul-Ricard remplit son Caddie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°135 du 26 octobre 2001, avec le titre suivant : L’Espace Paul-Ricard remplit son Caddie