Peintres avant-gardistes de la Florence du XIXe siècle voulant rompre
avec la peinture d’histoire, les Macchiaioli sont à l’honneur à l’Orangerie
PARIS - « Le peintre moderne ne doit avoir ni amours ni sympathies pour le passé. Le divorce entre le moderne et l’antique doit être total, absolu, et l’ignorance de l’histoire doit l’être tout autant », clamait haut et fort Adriano Cecioni, théoricien, porte-parole et l’un des principaux représentants des Macchiaioli , auxquels le Musée de l’Orangerie consacre une exposition révélatrice. Ce groupe de peintres, né dans les années 1850 de la fréquentation assidue du Caffè Michelangiolo à Florence peut-il être considéré comme l’équivalent des impressionnistes en Italie ? À l’Orangerie, la réponse à cette question « franco-centrée » est limpide. Certes, ces artistes avaient la tradition en horreur et ont voulu trouver des voies nouvelles. Oui, ils ont choisi de dépeindre le vrai sans artifices. Même leur nom a été choisi à leur insu : tandis qu’en 1874, le critique Louis Leroy invente, perplexe, le sobriquet impressionniste devant Impression soleil levant, le terme Macchiaioli apparaît sous la plume d’un critique dans la Gazzetta del Popolo en 1862. Terme péjoratif aux définitions multiples (chien de chasse, race bovine…), Macchiaioli est ici dérivé de la technique picturale synthétique revendiquée par les artistes – la macchia (tache). Enfin, comme le souligne le sublime portrait signé Edgar Degas du critique d’art Diego Martelli, mécène du groupe : Paris et Florence ne sont pas sans cultiver de liens. Mais la comparaison, qui n’est pas le sujet de l’exposition, s’arrête là.
Peintres du soleil et du clair-obscur
Il suffit de se pencher sur les petits bijoux de paysages peints sur bois, réalisés sans dessins préparatoires, qui habillent les premières salles du parcours pour s’en apercevoir. La technique de la macchia repose sur de puissants contrastes de couleurs et des effets de clair-obscur. Si les impressionnistes peignent la lumière, les Macchiaioli peignent le soleil. Qui sera entré au Musée de l’Orangerie en traversant le jardin des Tuileries ensoleillé aura en tête les merveilles graphiques qui naissent de l’ombre projetée des arbres sur le gravier blanc des allées et se trouvera donc en terrain connu. Le soleil écrasant de la campagne toscane est un allié fidèle de ces peintres épris de nature dont les points de chute sont Castiglioncello, propriété de Diego Martelli près de Livourne, ou encore Piagentina. Les sujets ne se résument pas aux paysages vides et aux visions bucoliques hors du temps (Charrette rouge à Castiglioncello (1865-1866) d’Odoardo Borrani). Les Macchiaioli s’intéressent aussi bien à la vie quotidienne de la bourgeoisie (l’exquise Rotonde de Palmieri (1866) de Giovanni Fattori) qu’au dur labeur de la classe ouvrière (Scène de halage (1864) de Telemaco Signorini).
Concis et clair, le parcours de l’exposition ne tente pas d’isoler à tout prix un style spécifique à l’un ou à l’autre, mais balaie les grands axes de leur travail. Ainsi du caractère silencieux des portraits et des scènes intimes auquel s’oppose la tonitruance de certaines scènes de guerre. Car qui dit Macchiaioli , dit engagement politique, dit Risorgimento – en témoigne notamment l’imposant portrait de Giuseppe Garibaldi par Silvestre Lega (1861). Tous étaient engagés dans le combat pour l’indépendance, puis pour l’unité du pays. Si leur art aspirait lui aussi à la révolution, l’ambition n’était cependant pas dénuée d’ironie. Que penser devant la préciosité de ces huiles sur bois, au format habituellement réservé aux œuvres de dévotion individuelle ? Que comprendre devant ces toiles qui reprennent la superposition des plans et la simplification des espaces des maîtres du Quattrocento ? Que les Macchiaioli perpétuaient une certaine tradition, somme toute, bien florentine ?
Jusqu’au 22 juillet, Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, 75001 Paris, tél. 01 44 77 80 07, tlj sauf le mardi 9h-18h, fermé le 14 juillet, www.musee-orangerie.fr. Catalogue coédité par le Musée d’Orsay et Skira Flammarion, 240 pages, 35 €.
Commissaires : Marie-Paule Vial, directrice, Musée de l’Orangerie ; Beatrice Avanzi, conservateur au Musée d’Orsay ; Isabelle Julia, conservateur général honoraire du patrimoine ; MarÁa López Fernández, conservateur en chef à la Fondation MAPFRE Scénographie : Loretta Gaïtis Itinérance : Fondation MAPFRE, Madrid, 20 septembre-5 janvier 2014
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Les « tachistes » à l’Orangerie
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Abonnez-vous dès 1 €Giovanni Fattori, La Rotonda dei bagni Palmieri (La rotonde de Palmieri), 1866, huile sur bois, 12 x 35 cm, Galleria d’Arte Moderna, Palazzo Pitti, Florence. © S.S.P.S.A.E e per il Polo Museale della città di Firenze – Cabinetto Fotografico.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Les « tachistes » à l’Orangerie