Si les artistes qui ont parcouru les chemins de l’Orient n’ont pas traité des mêmes sujets, ils ont dû réagir aux mêmes conditions visuelles qui leur étaient étrangères : la lumière et la couleur.
C’est sous cet angle, soi-disant scientifique, que le Musée de l’Annonciade aborde son exposition « La couleur sous la lumière de l’Orient ». Le choix des tableaux tend à démontrer leurs préoccupations formelles face à cette lumière qui « avale la couleur… blanchit le ciel ». Pour certains de ces artistes, c’est à travers le dessin qu’ils pénètrent dans le monde oriental. Delacroix ne prit pas son chevalet mais rapporta une abondante documentation dessinée de son voyage. La première version de Femmes d’Alger (1834) dérive de ces croquis pris sur place. Il reprendra le sujet en 1847 – dont une étude à l’huile est exposée ici – pour s’attacher principalement au rendu de la lumière et au trésor de sa palette. « Tout bouge, tout chatoie, la lumière ! », dira Cézanne : « Il est convaincu que le soleil existe et qu’on peut y tremper ses pinceaux… » Quatre-vingts ans plus tard, Matisse succombe à son tour à la fascination de l’Orient et, comme Delacroix, a recours au dessin. Les hommes, les costumes, la lumière constituent pour lui un émerveillement qui transcende son œuvre : l’univers paraît vibrer sous la touche énergique, les formes se dissolvent, le paysage échappe à la touche descriptive pour se faire atmosphérique. Kandinsky passera plus de trois mois en Tunisie où il produira des paysages à l’huile et des temperas. Dans ses œuvres, il souscrit déjà à sa théorie « du spirituel dans l’art », selon laquelle la couleur a d’abord un effet « purement physique » et provoque dans un second temps une « vibration de l’âme ». Avec Cimetière arabe (1909) véritable symphonie de couleurs, il fera ses premiers pas dans l’abstraction. Paul Klee sera l’un des artistes européens le plus métamorphosé par son voyage au Maroc. Il était avant tout graphiste, il va se convertir à « la religion de la couleur » : « La couleur et moi sommes un. » La plupart de ces artistes et d’autres, comme Marquet qui a produit une singulière Citadelle à Tanger, Fromentin, Chabaud, Camoin ou Macke, ont réalisé là-bas leurs plus belles œuvres. À voir ces éclairs de lumière sur les cimaises de l’Annonciade, preuve en est qu’ils ont trouvé chacun à leur manière les moyens formels pour la dompter.
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Les pinceaux plongés dans le soleil
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Abonnez-vous dès 1 €Musée de l’Annonciade, 2, rue de l’Annonciade, Saint-Tropez (83), www.saint-tropez.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°671 du 1 septembre 2014, avec le titre suivant : Les pinceaux plongés dans le soleil