À Paris et Enghien, des expositions soulignent les potentialités esthétiques ouvertes par l’intelligence artificielle, très loin des stéréotypes.
Le récent boom des intelligences artificielles se marque entre autres par la diffusion en ligne d’une profusion d’images créées à l’aide de Midjourney ou Dall-E. Derrière les questions éthiques soulevées par l’accessibilité de ces générateurs d’images se profile une inquiétude d’ordre esthétique : celle de voir se généraliser des formes stéréotypées et vaguement kitsch, dont il est encore possible – heureusement d’ailleurs – d’identifier la nature synthétique au premier coup d’œil. En démocratisant la création, les IA menaceraient de démonétiser un peu plus les images circulant sur Internet, et du même coup le travail artistique. En ce mois de juin, deux expositions collectives viennent balayer cette crainte. Dans « Artificial Dreams », au Grand Palais immersif, le commissaire d’exposition Charles Carcopino réunit 12 artistes internationaux travaillant avec les IA. Au gré de projections et d’un parcours d’installations, ces œuvres donnent aussi bien matière à voir qu’à rêver. Dans Hyperphantasia de Justine Emard, un réseau de neurones artificiels crée de nouvelles images préhistoriques à partir de la banque de données scientifique de la grotte Chauvet-Pont d’Arc. Fusionnées avec les données encéphalographiques collectées en 2021 lors d’une mission du Cnes et de l’ESA sur le sommeil dans l’espace, elles offrent une fascinante plongée dans l’histoire longue des technologies de l’image. Chez Sabrina Ratté, l’IA donne lieu à la création d’écosystèmes où toutes les formes d’existence – du vivant aux objets – sont interconnectées. Dans les œuvres du collectif américain MSHR, elle ouvre vers une série de dispositifs électroniques sculpturaux… Délaissant l’appellation trompeuse d’intelligence artificielle, Artificial Dreams préfère ainsi s’aventurer sur le territoire fertile de l’imagination artificielle pour montrer comment celle-ci remodèle les formes et les manières de créer.
Au Centre des arts d’Enghien, l’exposition « Mirabil-IA » se place quant à elle dans la lignée des cabinets de curiosité nés à la Renaissance. Tout comme ces derniers collectionnaient bizarreries de la nature et objets singuliers, l’exposition donne à voir les prémices d’une « nouvelle histoire naturelle » ou plutôt, d’une histoire artificielle. Des espèces martiennes imaginées par le collectif espagnol Estampa aux Plantoïdes de Primavera de Filippi, ces « plantes » robotiques nourries et cultivées grâce à la blockchain, on y découvre de nouvelles formes de vie animale et végétale dont les représentations ne sont pas sans rappeler herbiers et dessins naturalistes. Selon Alexandre Gefen, chercheur en humanités numériques et co-commissaire de l’exposition, celles-ci s’inscrivent dans la lignée du concept de « vallée de l’étrange » forgé par le roboticien Masahiro Mori : elles suscitent le trouble parce qu’elles s’avèrent étonnamment proches des formes naturelles, tout en dévoilant à quelques signes leur nature synthétique. La fascination qu’elles provoquent souligne en tout cas leur puissant effet sur l’imaginaire. Preuve, selon Alexandre Gefen, que « l’IA ne se réduit pas à ces robots androïdes bleutés créés sur Midjourney et qui abondent sur Internet ».
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Les nouveaux imaginaires générés par l’IA
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°776 du 1 juin 2024, avec le titre suivant : Les nouveaux imaginaires générés par l’IA